chronique

Carte blanche sur l’Europe post-Covid

July 9th, 2020 by Charles Goerens

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Bruxelles 09/07/2020

“Si nous ne nous y prenons pas trop mal, dans les six mois qui viennent, la gestion de la présente crise nous permettra d’avancer plus en matière d’intégration européenne qu’au cours des 30 dernières années.”
Ma carte blanche sur l’Europe post-Covid à lire dans le Paperjam.
“Si nous ne nous y prenons pas trop mal, dans les six mois qui viennent, la gestion de la présente crise nous permettra d’avancer plus en matière d’intégration européenne qu’au cours des 30 dernières années.”
Ma carte blanche sur l’Europe post-Covid à lire dans le Paperjam.

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Le Jeudi, Chronique

February 21st, 2019 by Charles Goerens

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L'Europe vue par l'Italie.

L’Italie va-t-elle nous réserver de grosses surprises? Difficile à dire, après avoir entendu le Président du Conseil comme il convient d’appeler le Président du gouvernement italien qui s’est prêté à un débat sur l’avenir de l’Europe la semaine dernière en plénière à Strasbourg.

Sa position au sein de son gouvernement peut cependant laisser subsister un doute sur la fiabilité de l’un des six pays fondateurs de l’Union européenne.

L’on sait qu’il doit sa nomination à l’incapacité de la Lega de Salvini et du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo de se mettre d’accord sur un premier ministre issu de l’une de leurs formations. Pour montrer que la position de Monsieur Conte est tout sauf stable, il suffit de relire les réactions des chefs de file des groupes politiques au discours de Monsieur Conte. Guy Verhofstadt l’a même qualifié de pantin de Salvini et Di Maio.

Les récentes prises de position du gouvernement italien nous apprennent toutefois que le ton correct de Monsieur Conte ne réussit pas à masquer la radicalisation du discours de l’équipe au pouvoir dans son pays.

Rappelons-nous l’incitation à la déstabilisation du Président Macron par le ministre de l’intérieur Salvini ou les tergiversations de Rome à propos du prochain budget italien, au départ jugé irrecevable par le commissaire Moscovici.

Il faut espérer que la raison prenne le dessus dans les relations Bruxelles-Rome.

Le débat avec Conte a révélé un autre aspect très caractéristique de l’Union européenne : le clivage qui oppose les partis traditionnels aux partis populistes. Les critiques, certes justifiées, formulées à l’endroit de Salvini et co. ne devraient pas faire apparaître la plupart des autres gouvernements européens comme les détenteurs de la seule perfection.

A y voir de plus près, la bien-pensance de d’aucuns se révèle être de l’hypocrisie au plus haut degré. On a laissé l’Italie seule avec ses réfugiés alors qu’on aurait dû s’entendre sur un partage des charges concernant l’accueil de migrants. En pareilles circonstances, on ne joue pas les vierges effarouchées.

Ce refus de solidarité n’a fait que renforcer petit à petit les populistes et les partis d’extrême droite. Ironie de l’histoire : le AFD, le Rassemblement national, ancien Front national et le FPÖ, entre autres, voulant fermer leurs frontières nationales aux migrants, n´accordent pas le moindre soutien à l´Italie où Salvini, l´un de leurs proches et alliés est au pouvoir. Autrement dit, quand les vrais problèmes apparaissent, les grandes gueules de l´extrême droite n´ont rien à offrir qui va au-delà du verbiage.

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Le Jeudi, Chronique

January 10th, 2019 by Charles Goerens

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La cohérence.

L’annonce de l’interdiction du glyphosate a été hâtée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’OMS avait déclaré, en effet, que le glyphosate pourrait être cancérigène. Dans une prise de position ultérieure, la même OMS s’exprime de façon plus nuancée en précisant que le glyphosate appliqué raisonnablement ne doit pas inquiéter. 

Les réactions de l’opinion publique n’ont pas tardé à se manifester. Entretemps, le débat sur le sort à réserver au désherbant total le plus répandu dans le monde n’a cessé de prendre de l’ampleur.

Le traitement politique de cette problématique, pourtant, est tout sauf évident, même si à première vue, le choix se réduit à deux solutions: le renouvellement de l’autorisation du glyphosate ou son interdiction. En pareille circonstance il me paraît judicieux d’assortir la recherche d’une solution de critères et de conditions très stricts.

En l’occurrence, le respect du principe de précaution doit primer sur toute autre considération. Ledit principe, dans son application, donne la priorité à la santé publique. En clair, la mise en vente d’un produit qui nuit à la santé humaine n’est pas autorisée par l’autorité politique compétente, à savoir la Commission européenne.

L’approche américaine est très différente. Certes, les États-Unis, loin de négliger les aspects relevant de la santé publique, misent plutôt sur la dissuasion. Ainsi un produit déjà en vente, jugé préjudiciable à la santé humaine peut-il, à l’issue d’une procédure judiciaire, frapper de sanctions financières très importantes le producteur.

Quant à l’UE, pour ce qui est de cette dernière, fidèle au principe de précaution, celle-ci intervient au moment de la procédure d’autorisation du produit en question. Dans un cas, le produit nocif n’est pas ou plus autorisé sur le marché tandis que dans l’autre, la menace de sanctions très importantes dissuade le producteur à prendre de risques inconsidérés.

Quoiqu’il en soit, il va falloir s’accommoder à l’idée que l’interdiction du glyphosate dans la seule Union européenne ne répond que de façon imparfaite aux exigences d’une politique de santé préventive. S’il est interdit de recourir au glyphosate dans l’agriculture européenne, il n’en est pas de même pour les producteurs de soja américains ou brésiliens qui continuent allègrement de le pulvériser dans leurs campagnes et d’écouler leurs produits sur nos marchés. Résultat des courses: le principe de précaution, appliqué de façon cohérente, devrait en toute logique bannir l’importation de denrées alimentaires originaires de pays qui tolèrent encore l’utilisation du glyphosate chez eux dès l’entrée en vigueur de l’interdiction de celui-ci dans l’Union européenne.

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Le Jeudi, chronique

November 15th, 2018 by Charles Goerens

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Luxembourg, 15/11/2018

Le moment fort de la session de novembre du Parlement européen a été sans aucun doute le discours de la chancelière allemande Angela Merkel.

Ceux qui s’attendaient à une réaction au discours que le Président Macron avait prononcé à la Sorbonne il y a un an en sont restés pour leurs frais.

Cela n‘entame en rien, cependant, la qualité de son intervention qui a porté avant tout sur le contexte actuel, difficile pour la construction européenne. Elle a regretté l’absence de solidarité, « condition indispensable au fonctionnement de toute communauté » selon ses propres termes.

Consciente des impératifs de la realpolitik, elle est restée modeste, qualité que l’on rencontre trop rarement dans la sphère politique. Aussi a-t-elle fait preuve d’autocritique en rappelant que l’Allemagne ne s’est pas toujours comportée comme elle aurait dû notamment dans le contexte de la crise des réfugiés. Fidèle à elle-même, elle n’a néanmoins rien cédé sur le fonds, rappelant qu’en 2015 Orban avait demandé à l’Autriche d’accueillir des réfugiés dont il ne voulait plus et que l’Autriche, à son tour, s’était tournée vers l’Allemagne pour prendre en charge les personnes fuyant la guerre, la torture et le viol. C’est l’unité d’une personne qu’il y a lieu de saluer au regard de la responsabilité qu’elle a assumée dans ce fameux contexte de l’automne 2015. Pour Madame Merkel, la solidarité dont elle s’est réclamée tout au long de son discours n’est pas une vaine formule. Celui qui entend porter un jugement sur son action politique, qui commence à toucher à son terme, ne peut faire l’impasse ni sur ses convictions profondes, ni sur sa méthode de travail. Cela aussi faisait partie de son message aux députés européens. Exposée aux influences les plus diverses au cours de sa vie, la chancelière a réussi à rester néanmoins très entière.  

Des allures d’adieu

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Le jeudi, chronique

September 21st, 2017 by Charles Goerens

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Luxembourg, 21/09/2017

Avec le Brexit nous ne serons pas encore arrivés au bout de nos peines. Ainsi avec la subtilité britannique en moins, les dirigeants actuels de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque ainsi que de la Slovaquie, tentés par le populisme, voire le nationalisme, font-ils tout pour bloquer d’importants chantiers de la construction européenne.

Non seulement il n’y a pas l’ombre d’une réaction de leur part à l’appel de leurs partenaires pour répartir les charges inhérentes à l’accueil des réfugiés, mais encore refusent-ils carrément d’appliquer des mesures décidées par l’Union européenne. De plus, pour ce qui est de la Pologne et de la Hongrie, ces deux Etats membres vont même jusqu’à porter atteinte au bon fonctionnement de la justice ainsi qu’à la liberté de la presse.

On s’aperçoit donc aujourd’hui qu’il ne suffit pas de respecter les principes fondamentaux, et parmi eux les droits de la personne, basés sur la non-discrimination et la dignité humaine, au moment de devenir membre de l’Union européenne. Aussi faut-il les faire respecter de façon pérenne. Et c’est là, précisément, que le bât blesse.

Certes, le Traité laisse à la Commission européenne, qui en est sa gardienne, la possibilité d’initier un mécanisme de sanctions à l’endroit d’un État membre défaillant, prévu par l’article 7, pouvant, le cas échéant, priver un État membre de son droit de vote au Conseil de l’Union pour une durée déterminée. Pour devenir effective, la sanction proposée par la Commission doit être entérinée par les autres États membres à l’unanimité. L’inefficacité notoire de cette disposition saute aux yeux dès lors que la Hongrie a déjà annoncé vouloir faire barrage à la proposition éventuelle de la Commission de vouloir appliquer l’article 7 à la Pologne.

Comment mettre fin à une situation où l’unanimité est requise pour rétablir le respect du droit alors qu’il suffit qu’un seul membre s’en écarte ? Faut-il s’en accommoder ? Non car plutôt que de céder à la fatalité, il serait judicieux de faire du respect des valeurs fondamentales par les Etats membres la priorité absolue et d’adapter le Traité en conséquence. Approfondissement de l’Union européenne avant toute autre chose donc. Cela ne pourrait pas rester sans effet sur l’évolution de chantiers importants de l’UE et notamment son élargissement.

L’on pourrait voir dans pareille proposition une mesure susceptible d’irriter passablement les candidats à l’adhésion. Certes, mais pas nécessairement de façon durable. D’abord, rien n’est figé à tout jamais et, par ailleurs, n’est-il pas dans l’intérêt-même de la Serbie, du Monténégro, de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, du Kosovo et de l’Albanie, pays qui, naguère encore, ont connu la guerre ou la dictature, parfois les deux à la fois, d’adhérer à une Union européenne qui ne laisse pas planer le moindre doute sur sa capacité de faire respecter le principe de l’Etat de droit et les valeurs fondamentales. Pour l’instant la Pologne et la Hongrie privent l’UE de cette capacité.

L’on pourrait néanmoins s’imaginer que, dans un avenir prévisible, les cinq pays candidats des Balkans, sans pouvoir devenir membres officiels à ce stade, pourraient bénéficier, pour ainsi dire, de tous les avantages des politiques européennes sans pouvoir pour autant participer au processus décisionnel. Tout sauf les institutions, en quelque sorte.

Il pourrait être mis fin à cette période d’attente dès que l’UE aura réussi à se doter de règles strictes qui soient de nature à faire respecter, sans équivoque, ses valeurs fondamentales. Le respect des priorités impliquerait, au cas où l’UE ferait siennes les vues exposées ci-dessus, que l’approfondissement devrait précéder, en toute logique l’élargissement. Aux dirigeants de la Hongrie et de la Pologne de rentrer dans le rang avant toute autre chose.

Approfondissement avant élargissement

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Le jeudi, chronique

July 13th, 2017 by Charles Goerens

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Luxembourg, 13/07/2017

L’UE: l’état de grâce

 

A en croire Eurobaromètre, l’euroscepticisme serait en net recul. Il n’y aurait donc en ce début d’été plus d’obstacles à une relance de l’intégration européenne? Pas si sûr. Certes, aucun Etat membre de l’Union européenne, à l’heure actuelle, n’envisage de quitter l’UE, même pas les pays de Višegrad – la Hongrie, la Pologne, la Tchéquie ou la Slovaquie. L’on doit notamment à la “bande des quatre” l’opposition catégorique à tout partage des charges en matière d’accueil des réfugiés. Si leurs dirigeants tendent la main à leurs partenaires, c’est pour recevoir. Par contre, ils secouent la tête dès qu’on leur réclame un rien de solidarité. La crise dite des réfugiés a pu mettre en évidence l’attitude lamentable de la plupart de nos Etats membres dès que la nécessité d’agir en commun se manifeste.

Quant aux élections législatives qui ont eu lieu aux Pays-Bas et en France, leur issue a été franchement rassurante. Les détracteurs de l’Europe n’ayant pas réalisé le score espéré restent écartés du pouvoir exécutif dans leur pays respectif. Pour le reste, le Président Trump, favorable au Brexit et appelant de ses vœux la fin de l’UE, a réussi, sans le vouloir, à réveiller les Européens. Ceux-ci prennent enfin conscience de leurs responsabilités, du jamais vu si l’on fait abstraction du séisme politique déclenché par la fin de la guerre froide et des tout débuts de la construction européenne dans les années 1950.
Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes? Pas tout à fait. Les adeptes d’une Europe plus solidaire, plus unie et plus démocratique savent pertinemment que l’embellie observée dans le ciel européen pourrait rester assez limitée dans le temps et ce pour une raison évidente. Un rôle clé revient, en effet, à la France et à l’Allemagne. Le nouveau Président français a encore devant lui un peu moins de cinq ans pour initier ou contribuer à faire évoluer les grands chantiers européens ensemble avec les autres Etats membres, et avant tout avec l’Allemagne qui, elle, dispose encore de moins de temps, les élections allemandes ayant lieu tous les quatre ans.

Or quatre ans, c’est très peu si l’on veut faire aboutir des réformes institutionnelles, voire des changements de traité. Et pourtant, le vieux continent, s’il ne veut pas finir par être déclassé, doit améliorer son fonctionnement, se rendre compte que la fin de la tutelle américaine le place devant l’immense responsabilité de prendre en mains son propre destin. Il sera douloureux, le processus d’émancipation des Vingt-sept. Ce n’est pas pour autant une raison de l’esquiver. Macron a pris des engagements courageux lors de sa campagne électorale. La chancelière allemande, encore très évasive dans ses prises de position au lendemain de l’élection présidentielle française, semble avoir compris, entretemps, qu’elle devra emprunter la voie tracée par Macron.

On aura rarement vu réunies tant de conditions à la relance du projet européen qu’en cette année 2017. Cependant, il faut se garder de crier victoire trop tôt, car le temps présent est tout au plus un état de grâce. On sait quand il commence, mais personne ne peut prédire sa durée. Il importe dès lors de saisir la présente opportunité sans perdre une seule journée. N’oublions pas que, contrairement à l’état d’urgence, un état de grâce ne peut pas être prolongé par une décision politique.

L’UE: l’état de grâce

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Chronique

May 11th, 2017 by Charles Goerens

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Le Jeudi, 11/05/2017

Même si la fête de l’Europe ne mobilise pas les foules, il ne viendrait à l’esprit de personne de la rayer de l’agenda. Journée de l’espoir pour les uns, qui laisse indifférents les autres, elle reste l’occasion de renouer avec les tout débuts de l’intégration européenne. Cette année, elle a été précédée par deux événements lourds de conséquences pour la vie à vingt-sept. Deux événements qui ont constitué une épreuve et une preuve à la fois.

Le 15 mars, les néerlandais sont allés aux urnes dans un climat d’incertitude quant à leur avenir européen. Leur verdict, cependant, a été sans équivoque : leur vote n’a pas donné lieu à une crise existentielle pour l’UE.

Dimanche dernier, les électeurs français, après avoir éliminé les deux piliers traditionnels de vie politique française, les Républicains et le Parti Socialiste, n’ont pas hésité à barrer la route au Front National. Le vainqueur de ce duel, Emmanuel Macron, a pris le risque de thématiser la construction européenne. Son courage a été récompensé. En 2017, donc, ni les Français, ni les Néerlandais, du moins majoritairement, n’ont envie de jouer avec le feu. En sera-t-il encore de même dans quatre ou cinq ans lorsqu’ils seront de nouveau appelés à renouveler leur Assemblée? Le doute reste permis, car même si les souverainistes ont été mis en échec, leur progression reste toutefois spectaculaire. Geert Wilders tout comme Marine Le Pen ont réussi à élargir considérablement leur base électorale. Le « ouf » des pro-européens, ne serait-il que l’expression d’un soulagement éphémère? La période qui est devant nous ne constituerait-elle qu’un nouveau et peut-être ultime sursis pour l’UE? Rien ne permet, à priori, d’écarter définitivement cette hypothèse. Le maintien du système politique actuel est tout sauf un garant de la pérennité de l’UE. Pour preuve, à peine élu, Emmanuel Macron soucieux de sortir la construction européenne de son ornière, se voit attaqué de toutes parts. Dans les 24 heures qui ont suivi la proclamation du résultat, on voit déjà les détracteurs descendre dans la rue. Quelques heures plus tard, on entend déjà outre-Rhin des voix s’élever catégoriquement contre tout changement dans la politique de l’Euro.

N’aurait-on dès lors rien appris de cette élection? N’a-t-on pas vu les électeurs français balayer la classe politique française? Croit-on vraiment que l’on pourra passer à l’ordre du jour sans la moindre remise en question de notre façon de vivre ensemble? Si en cette journée de l’Europe, dédiée avec beaucoup de sympathie à Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de l’Europe, nous n’arrivons pas à aller au-delà des rituels de commémoration et d’incantations déjà presque pavloviens en faveur de l’Union européenne, nous manquons tout simplement à notre devoir.

Photo (c) Politico

Le doute reste permis, car même si les souverainistes ont été mis en échec, leur progression reste toutefois spectaculaire.

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Démocratie vs. « Démocrature »

November 10th, 2016 by Charles Goerens

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Le Jeudi, 10/11/2016

Démocratie vs. « Démocrature »

 

La démocratie, telle que nous la vivons de nos jours, est l’aboutissement d’un long cheminement. Des siècles durant, des hommes et des femmes ont levé la tête, ont refusé la fatalité, ont pris le risque d’aller en prison, se sont manifestés lorsque cela leur était interdit. Sans parler des millions qui ont payé de leur vie le combat pour la paix et la liberté.

 

Ces combats auraient-ils été vains notamment dans plusieurs pays de l’Europe centrale ? Le doute s’installe dès lors que l’on parle de la Pologne ou de la Hongrie. De nouveau, les Polonais descendent dans la rue pour défendre les acquis de la liberté retrouvée il y a tout juste un quart de siècle tout comme une forte minorité de Hongrois qui n’est pas prête à s’accommoder de la dérive autoritariste et nationaliste de Victor Orban. Ce qu’il y a lieu de retenir en l’occurrence, c’est que les autorités politiques au pouvoir en ce moment dans ces deux pays ne sont ni les descendants de Rousseau ni de Voltaire et encore moins de Montesquieu tant sont mis à mal le respect de la liberté d’expression et la séparation des pouvoirs.

 

Le soulèvement de Budapest de 1956 qui visait à mettre fin à l’oppression d’un régime dictatorial fut l’œuvre de citoyens en quête de liberté, de tolérance et de démocratie.

Il en est de même des fondateurs de SOLIDARNOSC en Pologne vers la fin des années quatre-vingts du siècle dernier.

 

Après la fin de la guerre froide, il était clair que pour la Hongrie et la Pologne la fin de l’oppression par Moscou n’allait pas déboucher inéluctablement sur un régime démocratique respectueux des libertés individuelles et des droits fondamentaux du citoyen. Ces pays qui devaient (ré)apprendre à vivre en démocratie avaient besoin d’un ancrage solide, susceptible de consolider leur liberté retrouvée.

 

Avions-nous le droit, en 1989, de rester indifférents à l’appel des peuples du centre et de l’est de notre continent nous tendant la main pour envisager un avenir commun ? Y avait-il une alternative à l’adhésion de ces pays à l’Union européenne sachant que le combat pour la liberté de Walesa, Mazowiecki, Geremek et autres aux commandes en Pologne après 1989, leur avait valu la prison sous le joug communiste? Pouvait-on réserver une fin de non-recevoir aux aspirations à nos valeurs articulées avec tant de détermination ?

 

La réponse à toutes ces questions, évidemment, est non. Le problème auquel nous confrontent la Pologne et la Hongrie aujourd’hui n’est pas de les avoir acceptées comme membres à part entière dans l’Union européenne. En effet, les deux pays candidats s’étaient conformés, en 2004, aux « critères de Copenhague », qui font du respect des principes de l’Etat de droit, du droit des minorités, de la non-discrimination, notamment une condition sine qua non à l’adhésion à l’Union européenne. Le problème c’est que l’Union européenne ne dispose pas de règles suffisamment contraignantes avec, à la clé de réelles sanctions qui soient à même de garantir le respect des « critères de Copenhague » dans la durée.

 

Pour ce faire, elle devrait mettre en place un dispositif plus efficace que celui existant. Or, elle ne pourra pas combler cette lacune sans modification du Traité. Les récents agissements de la région wallonne rendent illusoire toute tentative de changer rapidement quoi que ce soit aux textes existants, sachant que les Etats membres doivent le décider à l’unanimité.

 

Comme le mal a été fait bien avant le grand élargissement de 2004, l’on pourra tout au plus prendre des précautions pour que cela ne se reproduise plus avec de futurs pays candidats à l’adhésion. Ce qu’il faut faire ? Refuser tout nouvel Etat membre dans l’Union européenne sans s’être doté au préalable d’un mécanisme clair, efficace et crédible, à même de sanctionner les Etats faillant à leurs engagements.

Photo (c) Politico

 

La démocratie, telle que nous la vivons de nos jours, est l’aboutissement d’un long cheminement. Des siècles durant, des hommes et des femmes ont levé la tête, ont refusé la fatalité, ont pris le risque d’aller en prison, se sont manifestés lorsque cela leur était interdit. Sans parler des millions qui ont payé de leur vie le combat pour la paix et la liberté.

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Chronique – L’Europe vaut bien un discours papal

May 12th, 2016 by Charles Goerens

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Le Jeudi, 12/05/2016

L’Europe vaut bien un discours papal

Sa réputation était déjà faite avant le 6 mai dernier. On ne s’attendait pas à voir le Pape François débiter quelques banalités à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne à sa personne. Il nous y avait déjà habitués lorsqu’il s’était adressé au Parlement européen à Strasbourg en novembre 2014 en plaidant pour une Europe humaniste avec le cœur et la raison.

Animé par le même esprit, le Pape, sans aucun doute conscient des impératifs de la realpolitik, a néanmoins tenu à rappeler les fondamentaux de la construction européenne. Son discours, pour dire le moins, fera date dans le débat européen. Le Saint-Père n’a pas cédé à la tentation de se contenter de faire la morale à un auditoire composé de personnalités assumant les plus hautes responsabilités dans les institutions européennes. Il aurait pu prendre l’un ou l’autre extrait de l’Evangile pour meubler son allocution. Il s’est, par contre, borné à rappeler aux représentants de l’Europe les fondamentaux de la construction européenne. Il les a invités à faire leur propre introspection au regard des principes de base inscrits dans les traités et déclarations qui régissent la construction européenne depuis ses débuts.

Lui, fils de migrants, a laissé parler son cœur en mettant l’Europe, et avant tout ses Etats membres, au pied du mur. Il leur a rappelé que l’humanisme est la base de la construction européenne. S’il n’avait pas été écœuré par le comportement de la plupart des chefs d’Etat ou de gouvernement de nos Etats membres, il n’aurait sans doute pas lancé, sur le ton du reproche, l’interrogation: “Que t’est-il arrivé, Europe humaniste, paladin des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté ?”

En tout cas, les Orban, Szydlo, leur collègues de Slovaquie, du Royaume-Uni et même Tusk, Président du Conseil européen, en ont pris pour leur grade. L’extrême droite, mais pas seulement elle, soucieuse de ménager le soutien d’une partie de l’électorat catholique, a pu apprendre, vendredi dernier, que son fonds de commerce, basé sur l’exclusion et le repli sur soi, est exactement à l’opposé des vues du Pape François qui a fait siennes les valeurs humanistes dont se réclame le vieux continent. Quelle leçon de maturité à une Europe à laquelle il ne demande rien d’autre que de se conformer dans son action à l’engagement que les Vingt-huit ont pris en adhérant aux accords qui ne devraient jamais cesser d’inspirer sa politique!

Il est de notoriété que l’actuel récipiendaire du Prix Charlemagne refuse en principe ce genre de distinction. Aurait-il estimé ne plus trouver meilleure occasion que la cérémonie de vendredi dernier pour inviter l’Europe à se reconstruire sur ses propres valeurs?

En paraphrasant Henri IV, on serait tenté de conclure que si “Paris vaut bien une messe”, l’Europe vaut bien un discours papal.

Photo (c) Karlspreis.de

Sa réputation était déjà faite avant le 6 mai dernier. On ne s’attendait pas à voir le Pape François débiter quelques banalités à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne à sa personne. Il nous y avait déjà habitués lorsqu’il s’était adressé au Parlement européen à Strasbourg en novembre 2014 en plaidant pour une Europe humaniste avec le cœur et la raison.

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Nexit?

April 14th, 2016 by Charles Goerens

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Le Jeudi, 14/04/2016

L’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne vise à faire converger les deux parties aux plans économique et politique. Quoi de plus normal sur un continent où 28 Etats sont prêts à coopérer davantage avec un partenaire qui aspire aux valeurs de l’Union. Il est de l’intérêt des uns et des autres de préciser les objectifs d’une telle coopération et d’en fixer les règles. Des arrangements de toute nature ont ainsi  pu être mis en place entre l’UE d’une part et des partenaires aussi différents que la Suisse, la Norvège, la Moldavie notamment d’autre part. S’agissant de nos relations avec l’Ukraine, celles-ci ont été précisées dans l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE. Une fois négocié, ce genre d’accord entrera formellement en vigueur dès que tous les Etats membres de l’UE, tout comme l’Ukraine, auront ratifié le texte déjà voté par le Parlement européen.

 

En pratique, cependant, le rapprochement entre l’Ukraine et l’UE n’a jamais été un fleuve tranquille. Depuis le début, Moscou a tout fait pour dissuader l’Ukraine d’emprunter la voie vers l’Occident, ce qui lui est facilité par l’hostilité manifestée à un tel accord par la partie orientale de cette ancienne République Socialiste Soviétique. L’annexion de la Crimée par la Russie ainsi que son appui ouvert aux séparatistes ont eu pour effet de plonger l’Ukraine dans des difficultés qui ne s’arrêteront pas de sitôt.

 

Et comme si cette crise ne suffisait pas, le référendum néerlandais sur l’accord entre l’Ukraine et l’UE vient encore ajouter son lot de difficultés à celles déjà existantes. Cette consultation populaire, consultative et,  pour le reste, boudée par 68 % des électeurs  néerlandais s’est soldée par un rejet par les deux tiers des votants.

 

Comment sortir de cette impasse? L’on pourrait arguer que le problème est d’abord néerlandais, que la décision d’ignorer ou non un référendum purement consultatif incombe en premier lieu au Gouvernement de La Haye et que, de toute façon, l’accord avec l’Ukraine produit déjà ses effets depuis qu’il a été signé. Ce serait ignorer que les populistes de tout poil s’acharnent à dénoncer ce qu’ils considèrent être une manipulation d’un processus démocratique.

 

L’on pourrait faire valoir que le nombre d’électeurs néerlandais ayant rejeté l’accord  avec l’Ukraine représente à peine 20% de l’électorat de ce pays et qu’il faudrait plus du double de voix pour ajouter la légitimité du scrutin à sa légalité. Cela ne serait pas de nature à convaincre les “nonistes”, avec Geert Wilders en tête, qui, de toute façon, n’ont pas tardé à dénoncer ce qu’ils qualifient de confiscation de la démocratie tant par leur gouvernement que par le “monstre de Bruxelles”.

 

Cela étant, il ne faut pas sous-estimer la légendaire ingénierie institutionnelle propre à l’UE à laquelle d’aucuns attribuent la capacité et la finesse juridique de résoudre ce problème. Il faut vraiment être naïf pour admettre qu’un compris truffé de phrases sibyllines soit de nature à réconcilier populistes et européistes, extrême droite et partis traditionnels, esprit du dix-neuvième et impératifs du vingtième siècle.

 

Comment sortir de la difficulté dès lors que toutes les solutions jusque-là envisagées ne peuvent que ternir davantage encore l’image d’une Union déjà passablement endommagée? Faut-il prendre au mot les supporters du non, même s’ils reconnaissent ouvertement que ce n’est pas l’accord avec l’Ukraine qu’ils ont voulu rejeter, mais leur but ayant été de mettre à mal la construction européenne dans son ensemble?

 

Pour le gouvernement néerlandais, la seule alternative au bricolage institutionnel qui ne pourrait déboucher d’ailleurs que sur un compromis peu convaincant consisterait à accepter à la lettre le verdict des urnes, à constater l’incapacité d’un pays à mener à bien la ratification de l’accord et d’assister par là même à la mort de celui-ci. Plus concrètement, l’incapacité de ratifier le document en question signifierait la fin de l’accord et le début d’une crise.

Cette crise pourrait être salutaire à condition de remettre à plat le fonctionnement de l’UE, notamment dans le cadre de l’adoption d’accords ou de traités. Pour ce qui est de l’entrée en vigueur d’un accord ou Traité international plus précisément,  il y aurait lieu de faire l’inventaire des mécanismes de blocage absurdes peu en phase avec l’attitude majoritaire de tous les citoyens européens. En clair, plutôt que de vouloir renoncer à la ratification par voie référendaire, il serait plus judicieux de prévoir une consultation grandeur nature, c’est-à-dire à l’échelle européenne. L’occasion pourrait ainsi être donnée à tous les citoyens européens de se prononcer sur un sujet d’intérêt commun, le même jour, et ce dans le respect d’un quorum suffisamment représentatif de l’électorat dans les vingt-huit Etats membres de l’UE.

 

Le résultat des courses: moins de chantage, moins de manipulation, l’occasion de débattre des grands enjeux à l’échelle européenne, un gain pour la démocratie.

 

Photo (c) WSJ.com

 

L’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne vise à faire converger les deux parties aux plans économique et politique. Quoi de plus normal sur un continent où 28 Etats sont prêts à coopérer davantage avec un partenaire qui aspire aux valeurs de l’Union.

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Chronique – Prévenir la banalisation du AFD!

March 17th, 2016 by Charles Goerens

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Le Jeudi, 17/03/2016

Prévenir la banalisation du AFD!

Commençons par un cauchemar: un beau matin de mars, un accident nucléaire survient à Cattenom. Les habitants du Sud du Luxembourg sont priés de quitter la zone impactée par la pollution radioactive dans la précipitation. Les appels au départ diffusés en boucle sur RTL laissent peu de temps aux habitants de la région pour rassembler l’essentiel tant le temps presse. Comment va-t-on regrouper les membres de la famille avant de s’en aller? Les enfants sont partis au lycée, la grand-mère n’arrive plus à se déplacer sans l’aide d’une tierce personne.

Quand au bout de quelques heures on arrive à régler tant bien que mal les aspects pratiques les plus urgents, la famille se met en route. Comme à peu près un million de personnes sont invitées à quitter la zone contaminée qui s’étend sur une partie de la Grande Région, il devient pour ainsi dire impossible de trouver un endroit pour passer la première nuit. La France et la Belgique, deux pays voisins touchés également par l’accident nucléaire sont peu enclins à accueillir du monde. Tournons-nous donc vers l’Allemagne. La situation est d’autant plus exaspérante que les rares économies vont devoir suffire pour une période encore indéterminée. Dans quelques semaines, tout l’argent sera dépensé et on sera tributaire de l’aide qu’on veut bien nous accorder.

Après avoir erré pendant une semaine, la voiture tombe en panne. Le coût de la réparation nous contraint à l’abandonner. Dans notre désespoir, nous nous adressons aux autorités locales qui nous proposent de nous loger dans un hall de sports dans lequel s’entassent des centaines de personnes. La langue véhiculaire dans ce centre est le “bad english”. Des Syriens arrivés la veille ont traversé la mer Egée avant de rejoindre la Grèce. Ils relatent les propos d’une femme qui, pour obtenir un gilet de sauvetage, a dû subir des outrages de la part de son passeur.

Sur notre nouveau lieu de séjour, les agents de sécurité nous confient que la municipalité a réquisitionné ce centre pour reloger provisoirement des personnes déracinées parce que des fascistes avaient incendié leur précédente demeure. Pour décompresser, on regarde le journal de vingt heures. Et, du coup, on se voit confronté aux problèmes des nantis, ceux qui, à vrai dire, n’en ont pas.

Ainsi apprend-on, selon de récents sondages que les élections régionales pourraient profiter au parti AFD (Alternative pour l’Allemagne) dont le vice-président Gauland a eu le culot de déclarer que la présente vague migratoire constitue un cadeau pour son parti. Ce parti avoue donc ouvertement que la soumission, le rejet, l’incitation à la haine, l’humiliation, le racisme, l’intolérance et l’indifférence constituent son fonds de commerce. Ce serait donc ça l’alternative pour l’Allemagne. Et un réfugié irakien de dire: cette alternative-là, si j’étais citoyen allemand, je cracherais dessus.

Je me réveille et reprends mes esprits: ce cauchemar tout personnel est devenu dure réalité pour des millions de personnes chassées de chez elles.
En ce dimanche soir, on entend les professionnels commenter les élections régionales qui se soldent par une victoire écrasante du AFD.

Sérieux avertissement pour les partis de l’establishment disent les uns. Madame Merkel devrait remettre en question sa politique des réfugiés affirment les autres. Il ne manquait plus que cela!

 

 

Photo (c) Wikicommons

Commençons par un cauchemar: un beau matin de mars, un accident nucléaire survient à Cattenom. Les habitants du Sud du Luxembourg sont priés de quitter la zone impactée par la pollution radioactive dans la précipitation. Les appels au départ diffusés en boucle sur RTL laissent peu de temps aux habitants de la région pour rassembler l’essentiel tant le temps presse. Comment va-t-on regrouper les membres de la famille avant de s’en aller? Les enfants sont partis au lycée, la grand-mère n’arrive plus à se déplacer sans l’aide d’une tierce personne.

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Brexit: A qui profite le crime?

February 18th, 2016 by Charles Goerens

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18/02/2016, Chronique: Le Jeudi

Le Royaume-Uni va être fixé sur son sort dans les semaines et mois qui suivent à propos de son rapport à l’Union européenne. Le résultat du référendum promis par David Cameron dans son discours du 23 janvier 2013 aura le mérite de la clarté. C’est “in or out”. Si le non l’emporte, le Royaume-Uni sort du dispositif institutionnel de l’UE.

Dans maints domaines, cependant, la sortie de cet Etat membre de l’UE ne changerait rien. Le Royaume-Uni ne serait pas contraint de quitter l’espace de Schengen, il n’en a jamais voulu faire partie. Il ne serait pas non plus invité à abandonner l’euro, il l’a toujours refusé. Il ne serait plus lié au principe d’une “Union sans cesse plus étroite”, le refus de s’y conformer est inscrit dans son ADN. Ses engagements en matière d’accueil des réfugiés ne seraient guère affectés par le NON, il est difficile de s’imaginer qu’il puisse s’impliquer encore moins que maintenant. Rien ne va donc changer pour le Royaume-Uni? Ne nous leurrons pas. Dans l’hypothèse du NON, tout va changer.

Le rôle prépondérant de l’anglais dans les institutions européennes comme langue véhiculaire resterait, certes, inchangé. Mais il n’y aurait plus de commissaire britannique, plus de représentants anglais, écossais ou de l’Irlande du Nord au Parlement européen, plus de représentant au Conseil de l’Union ( Conseil des ministres), plus de Premier ministre de sa Majesté au Conseil européen, plus de juge à la Cour de Justice de l’Union européenne, plus de membre britannique à la Cour des comptes. Siège vide à la Banque européenne d’investissement. Quant aux fonctionnaires du Royaume-Uni travaillant dans les institutions européennes, l’on voit mal ce qui pourrait encore s’opposer à leur départ définitif.

Il appartiendra aux citoyens britanniques de décider s’ils entendent renoncer à tous ces leviers de leur action politique, s’ils s’abstiennent désormais de toute possibilité d’influer sur le devenir de l’Union. Les autres Etats membres de l’Union seraient mal inspirés de trop se mêler de cette affaire car il appartient aux électeurs britanniques et à eux seuls de trancher. Le respect que méritent la capacité de discernement et la liberté de jugement des sujets de sa Majesté devraient nous inviter à faire preuve de retenue.

S’agissant, par contre, de l’orientation à donner à l’UE dans les années à venir, c’est un sujet d’intérêt commun. C’est pourquoi la retenue des partenaires du Royaume-Uni ne me semble plus de mise. En effet les défis actuels ont le mérite de mettre à nu les limites des Etats agissant seul, refusant la mutualisation des moyens à mettre en œuvre pour accueillir dignement les réfugiés, laissant le déficit démocratique se creuser notamment dans la zone Euro, condamnés à s’aligner sur le moins disant social, budgétaire et politique et toujours prompts à stigmatiser l’impuissance de l’Union européenne qu’ils ne cessent de priver des moyens et méthodes indispensables pour mener à bien une politique efficace.

Simone Veil m’avait appris que tout compromis n’est défendable que dans la mesure où les parties appelées à le négocier arrivent à évoluer vers un niveau supérieur. Si Donald Tusk avait fait sienne cette approche dans le cadre des arrangements négociés avec le Royaume-Uni qu’il veut faire avaliser lors du prochain Conseil européen, il aurait élargi le débat en prenant soin de clarifier les pouvoirs institutionnels d’un Etat membre se soustrayant à des pans entiers de la construction européenne.

L’on s’imagine mal le Royaume-Uni rester dans l’UE, refuser la monnaie unique, s’opposer à toute ingérence de l’UE dans son régime monétaire dérogatoire d’une part et revendiquer le droit de participer à nombre de décisions concernant l’Union économique et monétaire d’autre part. Si les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février devaient entériner les vues de David Cameron, fort de la complicité de Donald Tusk, les Vingt-huit accepteraient d’ouvrir la voie à une Union non plus “sans cesse plus étroite”, mais à une entité politique intergouvernementale sans cesse moins gérable, plus inefficace et de plus en plus insignifiante.

Ce scénario est en voie de devenir une perspective réelle à moins de voir l’un ou l’autre Etat membre s’y opposer. Et si les six pays fondateurs de l’Union européenne réunis à Rome au niveau des ministres des affaires étrangères il y a une semaine décidaient de refuser le bricolage à la Tusk lors du prochain Conseil européen, ils seraient les dignes successeurs de Jean Monnet, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, Joseph Bech, de Gasperi, Helmut Kohl, François Mitterrand, Jacques Delors. Pour ce qui est de David Cameron, refusant toute référence continentale, il ferait honneur à son pays en s’inspirant de l’œuvre de Roy Jenkins.

Le Royaume-Uni va être fixé sur son sort dans les semaines et mois qui suivent à propos de son rapport à l’Union européenne. Le résultat du référendum promis par David Cameron dans son discours du 23 janvier 2013 aura le mérite de la clarté. C’est “in or out”. Si le non l’emporte, le Royaume-Uni sort du dispositif institutionnel de l’UE.

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Crise de l’Union ou crise dans l’Union?

January 28th, 2016 by Charles Goerens

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On est nombreux à partager la conviction selon laquelle l'afflux d'un million de réfugiés dans l'UE est tout sauf une situation ingérable. En effet, un million de réfugiés sur cinq cents millions de citoyens européens représente 0,2% de la population totale de l'UE. Il faut raison garder et mettre le nombre de personnes arrivées en Europe en relation avec sa population totale.

On est nombreux à partager la conviction selon laquelle l’afflux d’un million de réfugiés dans l’UE est tout sauf une situation ingérable. En effet, un million de réfugiés sur cinq cents millions de citoyens européens représente 0,2% de la population totale de l’UE. Il faut raison garder et mettre le nombre de personnes arrivées en Europe en relation avec sa population totale.

Peut-on raisonnablement qualifier d’invasion un afflux de personnes ne représentant guère plus de 0,2% de la population? Même si ce ratio devait atteindre le double, le terme invasion resterait encore inapproprié.

Rappelons qu’en adhérant à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, tous les Etats membres de l’UE se sont engagés à accueillir les personnes ayant quitté leur pays pour échapper à la violation de leurs droits les plus élémentaires et à leur accorder la protection qu’ils cherchaient en vain dans leur pays d’origine. Quand viennent des centaines de milliers de personnes en quelques semaines dans l’un ou l’autre des vingt- huit Etats membres, elles entrent, en même temps, dans l’Union européenne. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht, au début des années 1990, cet espace de liberté et de justice que constitue l’Union européenne s’est engagé à former une Union sans cesse plus étroite. Conformément au principe de subsidiarité, les Vingt-huit devraient accepter tout naturellement d’organiser en commun l’accueil des réfugiés, de se répartir le nombre de personnes à placer selon une clé de répartition démographique. C’est ce principe qui devrait guider l’action des Hollande, Cameron, Rajoy, Orban et co…

Or c’est tout le contraire qui se produit. Bien que l’accueil des réfugiés constitue une obligation de résultat pour tous, seule une minorité de pays est prête à l’assumer. Les uns laissent les frontières ouvertes, d’autres installent des barbelés aux abords de leur territoire. Les frontières intérieures qui avaient pratiquement disparu réapparaissent. Schengen, jusque-là garant de la libre circulation des personnes, est remis en question. Le plus préoccupant, cependant, c’est la passivité avec laquelle nombre d’Etats assistent à l’érosion d’importants acquis de l’Union européenne dont notamment la liberté de mouvement à l’intérieur de celle-ci.

Entretemps la classe politique allemande est en train de s’entredéchirer. Y a-t-il une raison objective de proclamer que les limites des capacités d’accueil seraient d’ores et déjà atteintes, voire dépassées? En Allemagne, en tout cas, à en croire d’aucuns parmi les responsables locaux et régionaux, lesdites capacités d’accueil seraient déjà épuisées. Le seraient-elles aussi si les 27 Etats membres acceptaient, chacun, de partager les efforts indispensables à un traitement humain de la présente crise des réfugiés? Evidemment non. Dans ce cas, l’Allemagne serait responsable du traitement de quelques 160 000 demandeurs d’asile et non plus d’un million. Aussi des discussions sur des “Obergrenzen “, des limites supérieures en matière de personnes autorisées à rejoindre l’Allemagne, n’auraient-elles plus lieu.

En ce début de 2016, une crise mal gérée que l’on aurait bien pu éviter s’attaque aux fondements-même de la construction européenne. Les souverainismes et les égoïsmes nationaux sont à l’origine de cette déroute. N’est-on pas en train de remettre en question les principes et acquis de l’Union européenne-ce qui n’est dans l’intérêt de personne- alors qu’il suffirait tout simplement de changer de méthode? La méthode à préconiser est celle qui aurait pour cadre de référence la seule Union européenne plutôt que vingt-huit espaces nationaux.

La mission de l’UE devrait consister à assurer la protection de ses frontières extérieures, de prévoir à cet effet la mise en place d’un FBI européen, de répartir, au besoin arbitrairement, les réfugiés entre les 28 Etats membres et de prévoir une assistance budgétaire pour les pays moins prospères. Toutes ces mesures, sans exception, pourraient être réalisées, à condition de le vouloir, bien entendu. Et d’inscrire l’action dans une démarche résolument fédérale. Arrêtons donc de parler de crise de l’UE tant que l’on prive l’UE des compétences indispensables à son action. Il s’agit, en l’occurrence, non pas d’une crise de l’Union européenne mais bien d’une crise dans l’Union européenne.

 

Photo (c) The Guardian

Le Jeudi, 28.01.2016

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Charles Goerens

Member of the European Parliament (Renew Europe)

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