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Démocratie vs. « Démocrature »

November 10, 2016 by Charles Goerens

Le Jeudi, 10/11/2016

Démocratie vs. « Démocrature »

 

La démocratie, telle que nous la vivons de nos jours, est l’aboutissement d’un long cheminement. Des siècles durant, des hommes et des femmes ont levé la tête, ont refusé la fatalité, ont pris le risque d’aller en prison, se sont manifestés lorsque cela leur était interdit. Sans parler des millions qui ont payé de leur vie le combat pour la paix et la liberté.

 

Ces combats auraient-ils été vains notamment dans plusieurs pays de l’Europe centrale ? Le doute s’installe dès lors que l’on parle de la Pologne ou de la Hongrie. De nouveau, les Polonais descendent dans la rue pour défendre les acquis de la liberté retrouvée il y a tout juste un quart de siècle tout comme une forte minorité de Hongrois qui n’est pas prête à s’accommoder de la dérive autoritariste et nationaliste de Victor Orban. Ce qu’il y a lieu de retenir en l’occurrence, c’est que les autorités politiques au pouvoir en ce moment dans ces deux pays ne sont ni les descendants de Rousseau ni de Voltaire et encore moins de Montesquieu tant sont mis à mal le respect de la liberté d’expression et la séparation des pouvoirs.

 

Le soulèvement de Budapest de 1956 qui visait à mettre fin à l’oppression d’un régime dictatorial fut l’œuvre de citoyens en quête de liberté, de tolérance et de démocratie.

Il en est de même des fondateurs de SOLIDARNOSC en Pologne vers la fin des années quatre-vingts du siècle dernier.

 

Après la fin de la guerre froide, il était clair que pour la Hongrie et la Pologne la fin de l’oppression par Moscou n’allait pas déboucher inéluctablement sur un régime démocratique respectueux des libertés individuelles et des droits fondamentaux du citoyen. Ces pays qui devaient (ré)apprendre à vivre en démocratie avaient besoin d’un ancrage solide, susceptible de consolider leur liberté retrouvée.

 

Avions-nous le droit, en 1989, de rester indifférents à l’appel des peuples du centre et de l’est de notre continent nous tendant la main pour envisager un avenir commun ? Y avait-il une alternative à l’adhésion de ces pays à l’Union européenne sachant que le combat pour la liberté de Walesa, Mazowiecki, Geremek et autres aux commandes en Pologne après 1989, leur avait valu la prison sous le joug communiste? Pouvait-on réserver une fin de non-recevoir aux aspirations à nos valeurs articulées avec tant de détermination ?

 

La réponse à toutes ces questions, évidemment, est non. Le problème auquel nous confrontent la Pologne et la Hongrie aujourd’hui n’est pas de les avoir acceptées comme membres à part entière dans l’Union européenne. En effet, les deux pays candidats s’étaient conformés, en 2004, aux « critères de Copenhague », qui font du respect des principes de l’Etat de droit, du droit des minorités, de la non-discrimination, notamment une condition sine qua non à l’adhésion à l’Union européenne. Le problème c’est que l’Union européenne ne dispose pas de règles suffisamment contraignantes avec, à la clé de réelles sanctions qui soient à même de garantir le respect des « critères de Copenhague » dans la durée.

 

Pour ce faire, elle devrait mettre en place un dispositif plus efficace que celui existant. Or, elle ne pourra pas combler cette lacune sans modification du Traité. Les récents agissements de la région wallonne rendent illusoire toute tentative de changer rapidement quoi que ce soit aux textes existants, sachant que les Etats membres doivent le décider à l’unanimité.

 

Comme le mal a été fait bien avant le grand élargissement de 2004, l’on pourra tout au plus prendre des précautions pour que cela ne se reproduise plus avec de futurs pays candidats à l’adhésion. Ce qu’il faut faire ? Refuser tout nouvel Etat membre dans l’Union européenne sans s’être doté au préalable d’un mécanisme clair, efficace et crédible, à même de sanctionner les Etats faillant à leurs engagements.

Photo (c) Politico

 

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About Charles Goerens

Member of the European Parliament (Renew Europe)

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