L’enjeu des élections européennes
February 23, 2014 by Charles Goerens
Les élections pour le Parlement européen de mai 2014 sont loin d’être gagnées. Je pense moins à la victoire de tel ou tel parti, mais plutôt à la perception du rôle de l’Union européenne par l’opinion publique. Allons-nous être en mesure de combler le fossé d’incompréhension qui continue de se creuser entre les Européens et l’Europe en mettant en exergue l’indispensable valeur ajoutée de celle-ci dans la recherche des réponses aux problèmes économiques, sociaux et politiques de notre époque? Le désarroi du citoyen est tel que la partie est loin d’être remportée par les défenseurs de l’idée européenne.
Déjà, le durcissement des positions des partis traditionnellement opposés à la poursuite du processus d’intégration augure d’une campagne électorale assez rude. Dopés par des sondages très favorables, les formations politiques ayant fait le pari de la désintégration de l’UE semblent avoir le vent en poupe, pour l’instant du moins. Mais que faire si l’euroscepticisme était tout sauf un phénomène purement conjoncturel?L’ampleur et avant tout la multiplication des manifestations d’hostilité au maintien de l’euro en particulier et de la poursuite du processus d’intégration en général, font penser à un mouvement en profondeur plutôt qu’à un phénomène passager.
C’est sur cette toile de fond que va se développer la campagne pour l’élection du prochain Parlement européen. L’enjeu de cette élection? La crédibilité des institutions européennes,la confiance du citoyen dans l’interaction entre l’Union et ses Etats membres ainsi que le contrôle démocratique du jeu politique.
Rétablir la confiance.
De Conseil européen en réunion de l’Eurogroupe, de déclaration de Herman van Rompuy aux commentaires de José Manuel Barroso, de déclarations unilatérales de Madame Merkel aux réactions souvent peu courtoises de ses collègues,le citoyen se trouve de plus en plus déboussolé. Sa lecture de la situation politique actuelle s’apparente à une devinette: on ne sait plus guère qui fait quoi, pourquoi, pour qui, quand et comment.
De mon point de vue, l’Histoire retiendra de la législature en cours, pour ce qui est de la gestion de l’eurocrise notamment, un chantier de réparation désorganisé, toujours menacé par le feu, où le Président de la Commission était absent, les dirigeants allemands au-dessus, les dirigeants français et autres en dessous, les parlements dehors, et un Président-pompier de la Banque Centrale Européenne toujours prêt à éteindre l’incendie. Les pyromanes rôdant toujours autour de la maison, c’est l’Histoire des années 2014-2019 qui nous apprendra si les architectes auront eu pour mission de finaliser des plans susceptibles de rendre la construction européenne plus résistante aux dangers tant extérieurs qu’intérieurs.
L’enjeu est politique.
Au-delà de l’euro, aussi, l’enjeu reste politique: le système décisionnel en général peine à regagner la confiance du citoyen. Le citoyen désorienté est à la recherche de repères depuis le début de la multicrise. Depuis 2008, les sans emploi, par exemple, ont beau se tourner vers les responsables politiques nationaux, les courbes du chômage dans nombre d’Etats ne cessent de monter. La réaction, si réaction il y a, se réduit souvent à un constat d’impuissance: mauvaise conjoncture internationale, faible productivité à l’origine de la désindustrialisation, manque de qualification des jeunes etc… Des Etats exsangues dont les moyens sont, cependant, de 40 fois supérieurs à ceux de l’Union européenne invoquent l’impact limité de leur action et se défaussent sur l’Europe qui,à son tour, déclare manquer et des compétences politiques nécessaires et des moyens budgétaires suffisants pour faire bouger les lignes. Ce dialogue de sourds arrive au mieux à faire cohabiter deux analyses partielles de nos difficultés actuelles sans arriver, toutefois, à regagner la confiance du citoyen. En fait, le débat va devoir aborder le fonctionnement de tout le système politique pour finir par se concentrer sur l’interaction des sphères européenne et nationales.
La ligne de démarcation dans le futur Parlement européen fera apparaître d’un côté les défenseurs de l’intégration européenne de type fédéraliste avec, dans leur sillage, des visionnaires, des chercheurs, des patriotes, des philosophes, des acteurs expérimentés, des rêveurs, des jusqu’au-boutistes et de l’autre les souverainistes -loin d’être tous des extrémistes- avec leur cortège de philosophes, de nostalgiques, d’eurosceptiques, de patriotes, de nationalistes et dans certains cas de xénophobes. Si les fédéralistes, auxquels les souverainistes attribuent, à tort, tous les déboires des dernières années, ne sont pas encore sûrs de gagner en 2014, l’Histoire nous a déjà permis de découvrir les limites du modèle souverainiste, l’avant-dernière fois en 1914. Le respect pérenne du principe de l’irréductibilité de la dignité humaine est le vrai enjeu de tout projet politique. De mon humble point de vue, le fédéralisme, en dépit de tous ses défauts, sert encore le mieux cette noble cause.
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