Chronique Le Jeudi: Pour un traitement responsable des données du citoyen
April 8, 2010 by Charles Goerens
Pour un traitement responsable des données du citoyen
En rejetant l’accord SWIFT, le Parlement européen n’a pas tardé à manifester son opposition à toute intrusion excessive dans la vie privée du citoyen.
Bien entendu, les raisons qui plaident en faveur de la collecte de données à caractère personnel paraissent plausibles au regard des actes terroristes qu’elle est supposée prévenir. Rappelons aussi que l’accord ainsi conclu entre l’Union européenne et les Etats-Unis visait à mieux appréhender les agissements des milieux terroristes en se donnant la possibilité de retracer à un stade précoce les opérations bancaires susceptibles de financer des actes terroristes.
Il n’est donc pas question de prêter ici la moindre intention malveillante aux autorités dépositaires des données à caractère personnel. Si tel était le cas, cela reviendrait à discréditer leur mission qui consiste d’abord à protéger les citoyens et à assurer leur sécurité.
Mais faut-il pour autant donner un droit de regard aux autorités (américaines) sur toute opération bancaire du citoyen européen au motif que celui qui n’a rien à cacher n’aura rien à craindre?
Les doutes émis par les défenseurs des libertés publiques à propos d’un éventuel détournement de données à caractère personnel à des fins douteuses seraient-ils dès lors devenus sans objet? Rien n’est moins sûr. L’histoire du vingtième siècle ne nous invite-t-elle pas à faire preuve d’un peu plus de perspicacité en la matière?
Ainsi, les plus grandes dérives du siècle écoulé ont-elles été des crimes d’Etat dont la dimension a été dans une très large mesure fonction de l’exploitation de données à caractère personnel, comme notamment l’appartenance à un groupe religieux ou à une minorité ethnique. Le fichage des populations juives en Europe ou le recensement des Tutsis selon des critères ethniques définis par les anciens colonisateurs du Rwanda ont contribué de façon décisive à l’ampleur tant de la Shoah qu’au génocide des Tutsis.
N’a-t-on pas sous-estimé le risque systémique inhérent au captage de données à caractère personnel à première vue anodines? Les enseignements du siècle passé sont suffisamment alarmants pour justifier toute mesure de précaution dans le domaine du traitement desdites données.
La prudence s’impose d’autant plus que les responsables du traitement des données ne sont même pas en mesure d’affirmer que les informations dont ils disposent servent vraiment à des fins de lutte contre le terrorisme.
En toute logique, les données recueillies au titre de la prévention d’attaques terroristes dans le transport aérien devraient être accessibles aux autorités de contrôle des passagers dans l’Etat où l’embarquement a lieu.
La tentative d’attentat à la bombe sur le vol 253 du Northwest Airlines à l’approche de Détroit le 25 décembre 2009 aurait pu être déjouée sans trop de difficulté si les données dont disposaient les autorités américaines avaient également été connues des autorités néerlandaises. Or tel n’a pas été le cas, puisque le présumé terroriste a pu embarquer sans le moindre problème à Amsterdam.
Plusieurs tentatives de tirer cette affaire au clair, dont une question parlementaire adressée à la Commission n’ont pas été couronnées de succès. Bien au contraire, la Commission n’a pas été en mesure d’affirmer que les services de renseignement des 27 Etats membres disposaient des mêmes informations que leurs homologues américains. De sa capacité de répondre clairement à cette question dépendra, entre autres, la volonté de nombre de parlementaires à cautionner le dispositif de lutte antiterroriste en vigueur.
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