Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique

November 22, 2012 by Charles Goerens

On est tous des Français en déficit
Après la pause estivale et l’embellie boursière, Moody’s vient de siffler la fin de la récréation en dégradant la note de la France. Ce qui, à vrai dire, n’a guère surpris. Malin, en revanche, celui qui nous dira de quoi l’avenir sera fait!
On y verra plus clair lorsque deux processus de décantation seront arrivés à leur terme. Celui inhérent au changement politique qui a porté François Hollande au pouvoir est déjà suffisamment avancé pour faire apparaître les contours de l’action politique qui marquera la vie des Français dans les mois à venir. La volonté de ramener le déficit du budget 2013 de 4,5 à 3% se traduira dans la plus grande cure de cheval jamais administrée à la société française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une somme voisine de quarante milliards d’euros va devoir être mobilisée pour financer la réduction du déficit. La croissance économique n’étant pas au rendez-vous, il sera encore plus douloureux de trouver les moyens adéquats pour le financer.
A qui en incombe la faute? Aux responsables politiques de tous bords qui, au cours des trente dernières années, ont endossé des déficits budgétaires importants. Ce qui a fini par gonfler la dette souveraine de la France pour la porter au niveau de 65 % du Revenu national brut (RNB) avant la crise de 2008. De plus, les mesures de relance économique arrêtées par le gouvernement Sarkozy, ainsi que l’effet mécanique de la récession ont à leur tour aggravé le problème. Désormais le service de la dette est devenu le premier poste de dépenses budgétaires en volume. Tout le monde est conscient de l’enjeu existentiel posé par ce problème. Or, François Hollande avait promis de ramener le déficit à 3% en 2013. Bien naïf cependant celui qui croira que cette promesse se transformera en perspective réelle. Tous les observateurs de la scène politique française jugent intenable la promesse avancée par le Président.
L’autre processus de décantation, celui qui est en cours au sein de l’UMP, n’est pas aussi avancé. Et ce n’est pas la victoire à l’arraché de Jean-François Copé qui fera démentir nos propos. Défié sur sa droite par le Front national, d’une part et par le nouveau centre de Borloo, d’autre part, sans parler des querelles que se livrent depuis des mois les candidats à la présidence, l’UMP, qui n’est plus aux commandes après dix années de responsabilités exercées au sommet de l’Etat, est tentée de faire oublier qu’elle ne serait pas en mesure de ramener le déficit à 3 %.
Les déceptions, les frustrations, voire les règlements de compte que se livrent les perdants des scrutins de 2012 ont fini par brouiller l’image de ce parti. Plus signifiant: l’opinion publique, dépitée par le gouvernement Ayrault, ne crédite pas pour autant les ténors de l’opposition de la capacité de réussir là où vont sans doute échouer leurs successeurs.
Que faut-il retenir de ce constat? Premièrement, la classe politique, qu’elle soit de droite ou de gauche, est devenue esclave d’une promesse qu’elle ne peut pas honorer. À moins de vouloir balayer d’un revers de manche l’objection selon laquelle tout effort excessif de réduction du déficit pourrait s’avérer contreproductive, le bon sens plaiderait plutôt en faveur de la réalisation du même objectif mais échelonné sur deux ans.
Deuxièmement, la maîtrise des dépenses publiques et son impact sur la croissance, n’est pas qu’une affaire franco-française. Elle se trouve au cœur de la recherche d’une issue durable à la crise de l’Eurozone. Personne en Europe n’aurait intérêt à voir la France échouer dans ses efforts de redressement. Tout le monde souhaite voir la France garder intacte sa capacité d’emprunt à des taux raisonnables. La crédibilité du mécanisme européen de stabilité, au financement duquel la France contribue de façon décisive, en dépend particulièrement. Si en effet la France devait basculer dans le camp des récipiendaires des mécanismes de secours du type MSE (Mécanisme de stabilité européen), la confiance dans l’Euro se trouverait définitivement ébranlée.
C’est du dosage approprié de réduction des dépenses publiques, de mesures fiscales justes, mais aussi du rythme de leur mise en œuvre que dépendra le succès de l’opération d’assainissement des finances publiques. Le bon sens suggère donc de se hâter lentement sans rien céder sur la finalité.
Les deux candidats à la Présidentielle de 2012 auraient dû se réserver, ne fut-ce que cinq minutes, pour partager ce constat et s’accorder sur la finalité. Ce qui leur aurait permis de ne pas avancer des promesses irréalisables et éviter les lendemains qui déchantent. Démarche, certes inhabituelle, mais qui aurait été des plus salutaires, pour la France mais aussi pour l’Europe dans son ensemble.

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Member of the European Parliament (Renew Europe)

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