Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
February 14, 2013 by Charles Goerens
L’inévitable crise budgétaire
L’espoir qu’avait fait naître le discours de François Hollande la veille du Conseil européen aura été de courte durée. En effet, les 7 et 8 février dernier, les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont décidé de faire plafonner les dépenses de l’Union européenne à 960 milliards d’euros pour toute la période de 2014 à 2020. Ledit montant est nettement inférieur aux 1030 milliards d’euros consacrés à la période en cours et qui arrive à son terme fin 2013.
Si le Parlement européen n’a pas encore dit son dernier mot, il n’y a plus guère de doute sur le sort qu’il va réserver aux décisions du Conseil européen. En effet, les Ving-sept viennent de franchir une ligne rouge. Vouloir dépenser moins dans les sept années à venir dans le cadre du budget européen est perçu non seulement par le Parlement européen comme le degré zéro de la solidarité européenne face aux grands défis que sont la désindustrialisation et le chômage de masse mais également la perte d’influence de l’Europe dans le monde. L’Union européenne ne donne-t-elle pas par là même un signal d’abandon des grands chantiers de construction de notre avenir commun?
A vrai dire, l’incapacité de s’entendre sur un cadre financier pluriannuel digne de ce nom n’est que le reflet d’une crise plus profonde. Faut-il rappeler que, depuis qu’elle existe, les Etats membres privent l’Union européenne des moyens budgétaires nécessaires à la réalisation des objectifs qu’elle s’est elle-même fixés. Combien de fois va-t-il falloir rappeler que nombre d’initiatives produisent des résultats nettement meilleurs si elles sont concrétisées à travers le budget européen?
Nous serions dès lors confrontés uniquement à un problème de méthode, privilégiant le cadre décisionnel national? Tel serait le cas si les plus farouches opposants à une programmation financière européenne plus appropriée acceptaient de contribuer davantage à travers les budgets nationaux à la réalisation des grands objectifs politiques que sont notamment la croissance, l’emploi, la cohésion intérieure ainsi que la politique extérieure. Or, il est patent de constater l’incapacité des politiques nationales d’en arriver à bout de nos problèmes. En décidant de consacrer moins d’un pour cent du revenu national brut des vingt-sept Etats membres au budget de l’Union européenne, le Conseil européen rappelle à quel point l’Europe est devenue prisonnière du moins disant politique de plusieurs de ses composantes.
Avec un Parlement européen peu enclin à accepter un compromis au raz des pâquerettes, la crise semble devenir inévitable. Le rejet probable des décisions du Conseil européen par le Parlement fait courir cependant à ce dernier un risque non négligeable. En effet, des avancées réelles dans plusieurs domaines, dont notamment la Politique agricole commune, la politique de cohésion sans parler des programmes européens de recherche requièrent un minimum de prévisibilité. Sans cadre financier pluriannuel, l’indispensable planification à moyen terme deviendrait impensable, du fait de l’incapacité de l’Union de pouvoir s’engager au plan budgétaire au-delà d’une année. Le Conseil européen ne manquerait pas d’en faire endosser la responsabilité par le Parlement européen.
Si le Parlement européen veut sortir la tête haute de la présente crise, il aura besoin d’un allié solide, en l’occurrence la Commission, dont les propositions viennent d’être rejetées par le Conseil européen. La Commission pourra calmer le jeu en autorisant les Etats membres à proroger les programmes dans les domaines précités jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouveau cadre financier acceptable. C’est sans doute le seul moyen d’éviter que les personnes tributaires des politiques européennes ne soient pris en otage dans la querelle budgétaire qui met en opposition le Parlement européen et la Commission d’un côté et le Conseil européen de l’autre.
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