Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique

March 21, 2013 by Charles Goerens

La Syrie: risque assumé ou passivité coupable?
La guerre en Syrie entre dans sa troisième année. Depuis le début du conflit, pas une journée ne passe sans journaux télévisés relatant les pires atrocités. Les victimes, ayant payé de leur vie leur aspiration à un peu plus de liberté, se comptent par dizaines de milliers. Les personnes ayant fui la Syrie ainsi que celles déplacées à l’intérieur du pays dépassent déjà le million. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’empathie ne croît pas avec le nombre de tués ou de blessés, qu’ils soient dix mille, soixante-dix mille ou un million et demi. Décidément, l’arithmétique des conflits ne prend plus, l’accoutumance à la barbarie, une fois de plus, finit par avoir raison de la compassion.
Vrais ou faux, les motifs avancés par la communauté internationale pour ne pas s’ingérer dans le conflit afin de mettre fin aux souffrances du peuple syrien ne manquent pas. Mentionnons d’abord le droit international, peu adapté aux conflits intra-nationaux, qui fait de la souveraineté nationale un bouclier protégeant le boucher de Damas contre toute intervention de nature à menacer son régime de terreur. S’y apparente la crainte de voir le conflit déboucher sur un embrasement de toute la région du Moyen-Orient. De ce fait la peur de l’apocalypse finit par condamner à l’inaction les puissances disposant des moyens de mettre en échec Bachar al Assad. C’est sur ces considérations que se fonde la thèse selon laquelle il n’y a pas de solution militaire au conflit.
Sur cette toile de fond de consensus mou et fort de la complicité de la Chine et de la Russie au Conseil de sécurité, Assad exploite sans le moindre scrupule la retenue de la communauté internationale pour condamner son peuple au silence. Il ne resterait donc plus que la recherche d’une solution politique à laquelle il ne semble pas y avoir d’alternative. Du déjà entendu, certes. Or, tant que cette solution n’est pas trouvée, les opposants au régime continuent à périrans l’indifférence générale.
Entretemps d’aucuns, dont notamment le Royaume-Uni et la France, soucieux de faire plier le régime Assad, plaident en faveur de la livraison d’armes aux forces rebelles. Le renforcement de la position des opposants, espèrent-ils, pourrait influer favorablement sur le cours des choses. En effet, des rebelles, militairement mieux équipés, pourraient aborder les phases ultérieures du conflit dans un rapport de forces qui leur serait plus favorable. Loin d’être hostile à un dénouement politique en Syrie, le Royaume-Uni et la France considèrent que la coalition anti-Assad aurait peu de chances de pouvoir s’imposer dans la négociation si elle devait y entrer en position de faiblesse.
Vouloir livrer des armes aux rebelles dans l’espoir de rendre un peu moins illusoire la fin de la barbarie en Syrie pourrait s’avérer une entreprise hasardeuse. Que l’Union européenne n’arrive pas à faire l’unanimité autour de cette idée n’a rien d’étonnant. Faut-il y voir seulement un clivage entre les belles âmes d’un côté et les va-t-en guerre de l’autre ? Vaclav Havel avait l’habitude de dire en pareille circonstance qu’il ne sert à rien d’attendre Godot parce que Godot n’existe pas. Faut-t-il dès lors dépasser le stade de l’inaction à laquelle les divergences des Vingt-sept viennent de condamner l’Union européenne et laisser les Britanniques et les Français agir en dehors du cadre européen? Oui, s’il n’y a plus d’autre espoir pour mettre fin au martyre du peuple syrien. De toute évidence, il n’y a jamais d’engagement sans risque.

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Member of the European Parliament (Renew Europe)

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