Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique

November 17, 2011 by Charles Goerens

L’Europe, ça s’explique!
“Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.” Antoine de Saint-Exupéry
Calme ou agitée, la mer est symbole à la fois de toutes les opportunités et de tous les dangers. Elle est source de vie, nous procure de la nourriture, elle relie entre eux des continents, mais une fois déchaînée, elle peut déployer des forces qui dépassent notre imaginaire. L’on ne peut pas se soustraire à ses caprices sans se priver par là même des bienfaits de sa générosité. Face à elle, nous devenons conscients de nos limites. Face à elle nous découvrons aussi nos possibilités.
Notre bonne vieille Europe serait-elle si différente de la mer ? Théâtre de tous les dangers, l’Histoire de notre continent nous rappelle que certains courants ont enterré sous eux des peuples entiers. La même Histoire nous enseigne aussi que, une fois le calme retrouvé, la même Europe peut redevenir source de richesses tant matérielles que culturelles à condition de les accepter, de voir dans leur diversité une chance plutôt qu’un obstacle. De 1933 à 1945, cette Europe nous a fait découvrir nos limites, notre impuissance face aux vagues de populismes, aux poussées nationalistes. Et finalement, le tsunami nazi a failli avoir raison de tout ce que les peuples européens ont su donner à la civilisation.
Si les années 30 nous ont indiqué nos limites, Jean Monnet n’a pas tardé à nous faire découvrir nos possibilités dès la fin de la seconde guerre mondiale. Conscient de la vulnérabilité du vieux continent, il avait compris que les lignes Maginot avaient fait leur temps et qu’il fallait désormais renoncer à se réfugier derrière de fausses protections. Sa méthode a permis aux Européens de se nourrir, de renouer avec la prospérité, de prévenir le retour des luttes ancestrales. Sa méthode a eu un prix : un abandon de souveraineté de la part des Etats qui ont accepté de participer à l’œuvre collective. En revanche, ces derniers ont vu L’Allemagne mettre fin à son « Sonderweg »
Pour les Européens, la stabilité monétaire correspond au calme en haute mer. En effet, c’est en ces périodes d’absence de turbulences que le navire dont sont copropriétaires les 17 Etats membres de l’Eurozone peut faire les plus grandes avancées vers les rives lointaines. Quant à savoir si ledit navire est bien conçu pour résister aux vagues fouettées par les vents déchaînés du grand large, il faut attendre les grandes tempêtes. Comme celles-ci se multiplient à une cadence très inquiétante depuis le déclenchement de la crise de 2008, les occasions pour tester la résistance du navire n’ont pas manqué.
Les innombrables faiblesses, voire même les vices de construction du navire « Eurozone » n’ont pas tardé à se manifester. Les passagers s’interrogent sur l’étanchéité du métal tant les parties grecques et italiennes sont déjà entamées par la corrosion.
Le fait que la partie allemande dispose d’une double coque ne va pas mettre fin à la spéculation contre l’« Eurozone » menacée de naufrage.
Il n’est dès lors pas étonnant de voir l’« Eurozone » rentrer régulièrement au chantier naval à des fins de réparation. Une fois les travaux terminés, il regagne la mer pour une destination inconnue. Comment voulez-vous d’ailleurs fixer le cap si vous ne pouvez pas identifier le capitaine?
En réalité, il y a trop de capitaines qui veulent, chacun, imposer leur direction. Mais une fois le cap fixé, Madame Merkel fait dépendre son accord de trois choses: l’issue des prochaines élections pour un parlement régional, le traditionnel arrêt de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe et l’aval du Bundestag. Ce qui permet aux marchés de se refaire une santé et de souffler encore plus fort. Entretemps, la tempête fait des ravages sur le continent et balaie sur son passage les marges politiques, les capacités d’endettement, les acquis sociaux et… les gouvernements grec et italien.
Quant au membre italien de l’équipage, Silvio Berlusconi, il a été invité à quitter le navire. Non seulement, il n’avait pas le pied marin, mais encore lui arrivait-il de confondre le navire « Eurozone » avec un bateau de plaisance. Toutefois, le Ciao de soulagement poussé à l’occasion de son départ ne signifie pas pour autant la fin de nos soucis.

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Member of the European Parliament (Renew Europe)

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