Chronique Le Jeudi: La réforme de la PAC – Politique Agricole Commune

November 11, 2010 by Charles Goerens

LA REFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
(PREMIERE PARTIE)
Où va l’agriculture luxembourgeoise ? La réponse à cette question est directement liée à l’orientation future de la politique agricole commune (PAC). Ce qui ne nous fait guère avancer étant donné que la P.A.C. est elle-même sujette à révision. L e nouveau commissaire à l’agriculture, le roumain Dacian Ciolos a donné le coup d’envoi au mouvement de réforme en sollicitant l’opinion des citoyens sur l’avenir de la PAC. Les questions auxquelles le grand public était invité à répondre portaient sur l’opportunité de maintenir une politique agricole commune, sur les objectifs que la société assigne à l’agriculture européenne, sur la nécessité de réformer ladite politique ou encore sur les outils de la future PAC. Pour originale qu’elle soit, l’approche de la Commission fait penser à une boutade attribuée à un ancien directeur de l’Administration des Ponts et Chaussées déclarant : « Le Luxembourg compte 300 000 habitants. 299 000 savent comment il faut construire les routes et les 1000 autres travaillent dans l’Administration des Ponts et Chaussées ». Avec la consultation de l’opinion publique sur la réforme de la PAC, c’est un peu pareil : lorsque les citoyens, les consommateurs, les industriels, les commerçants, les associations de toute nature se seront prononcés sur l’avenir de l’agriculture européenne il serait utile de connaître aussi la voix des personnes directement concernées, c’est-à-dire les agriculteurs.
Or, force est de constater que le monde agricole n’a pas lieu de s’inquiéter outre mesure du résultat de la consultation sur le net. Nombreux, en effet, sont ceux qui souhaitent maintenir des secteurs agricoles diversifiés à travers l’Europe et qui plus est acceptent d’en payer le prix, le soutien de la PAC étant le prix à payer pour la préservation de l’environnement et le maintien de la cohésion territoriale. Les attentes deviennent fortes dès lors qu’il s’agit de préserver la biodiversité, de contribuer à protéger les nappes phréatiques et de maintenir des activités en milieu rural. Bref, de la consultation en ligne se dégage une acceptation assez forte par l’opinion publique d’une politique agricole européenne durable ayant vocation à assumer sa part dans la lutte contre le changement climatique. Que le secteur primaire a pour mission la production d’aliments de qualité est une évidence pour la plupart des participants à la consultation publique.
Par contre, si le payement unique par exploitation peut tabler sur un large soutien, de nombreux intervenants souhaiteraient des aides plus ciblées sur les petites entités. Quant aux marchés agricoles, nombreux sont les intervenants à s’inquiéter de la volatilité des prix. En revanche, ils préconisent des systèmes de régulation de marché allant de l’instauration d’un filet de sécurité pour soutenir les marchés en cas de crise à une préférence communautaire plus forte. Aussi se pronocent-ils en faveur d’une répartition plus équitable de la valeur ajoutée générée par les divers acteurs d’une même filière de production.
Bien entendu, consultation n’est pas décision mais les auteurs de la réforme ne peuvent pas faire comme si la consultation n’avait pas eu lieu. Celle-ci va servir de référence pour la Commission appelée à présenter son projet de réforme vers la fin de l’année en cours. Il en est de même de tous les acteurs entrant en ligne de compte dans le processus législatif enclenché par les propositions de la Commission.
Le Parlement européen d’abord, investi de nouvelles prérogatives budgétaires depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ne va ménager aucun effort pour pouvoir peser de tout son poids dans les décisions relatives au financement de la PAC notamment. Mais ce qui va être déterminant dans la phase décisionnelle, c’est la façon dont les Etats membres et notamment les plus grands parmi eux vont se positionner par rapport aux propositions de la Commission. La Commission et le Conseil agricole, loin de sous-estimer les pouvoirs élargis du Parlement européen, sont très conscients, cependant, du rôle crucial que vont jouer la France, la République Fédérale Allemande, le Royaume-Uni. Les Etats membres de l’Europe centrale et orientale de leur côté défendent des revendications spécifiques qui ne sont pas prises en compte par les trois grands.
La France est sans doute le pays pour qui l’agriculture, depuis les débuts de la construction européenne, revêt une importance particulière aux plans politique, économique et culturel. Depuis Charles de Gaulle jusqu’à Nicolas Sarkozy tous les Présidents de la République sans exception se sont toujours engagés pour une Europe agricole forte, présente sur les marchés extérieurs. Ce faisant elle n’a jamais perdu de vue d’avoir été le plus grand bénéficiaire dans le cadre de la PAC. Avec des écarts de productivité assez importants d’une région à l’autre, la France est tout sauf un pays agricole homogène. A la fois agressive sur les marchés extérieurs et soucieuse, par ailleurs, de préserver une politique agricole dans les régions à plus faible productivité, la France a acquis l’habitude de défendre un spectre de revendications très large. Déterminée à conserver la diversité agricole dans l’Hexagone, la France devient ainsi le meilleur avocat des adeptes d’une PAC multifonctionnelle. Cette approche est toutefois moins consensuelle dans nombre d’autres Etats membres de l’Union européenne.
Le Royaume-Uni se situe exactement à l’opposé du modèle que revendique son partenaire français. C’est l’Etat membre de l’Union européenne qui est de loin le plus hostile à la PAC. A vrai dire, les Britanniques préfèrent carrément l’envoyer au diable. Trop chère parce que trop régulatrice et trop bureaucratique, telle est leur perception de la PAC. Le Royaume-Uni aimerait mettre fin au plus vite au système d’aides actuel en faveur de l’agriculture pour remplacer celui-ci par une libéralisation complète du marché agricole. Même indépendamment de son opposition à la PAC, le Royaume-Uni s’oppose en principe à toute mesure susceptible d’entraîner des dépenses importantes au niveau de l’Union européenne. Depuis Mrs Thatcher, tous les Premier-Ministres de Sa Majesté n’ont cessé de revendiquer le fameux rabais budgétaire consistant à rembourser aux Britanniques une partie de leur contribution au budget de l’Union européenne qui, en 2010, équivaut à environ 5 milliards d’Euros.
En République Fédérale Allemande, des voix discordantes ont depuis belle lurette mis fin à l’appui unanime de la PAC. Non pas que les agriculteurs ne compteraient plus d’amis au sein de la classe politique allemande. Ils existent bel et bien, mais ils sont devenus, entretemps moins enthousiastes pour appuyer la PAC. En réalité, les raisons qui ont amené les allemands à donner leur accord aux réformes successives de la PAC, relèvent davantage des impératifs de la Realpolitik. En effet, nombreux sont les décideurs allemands à voir dans la PAC un obstacle au démantèlement des barrières tarifaires dans les relations commerciales de l’Europe avec le reste du monde. Aussi la politique allemande s’inscrit-elle dans un pragmatisme largement conditionné par les relations avec son partenaire français. Même si les relations de ces deux pays ne sont pas toujours au beau fixe ces derniers temps, le moteur franco-allemand est encore en état de fonctionnement. Dans un cadre bilatéral, les deux partenaires, après des divergences manifestes, finissent habituellement par retrouver l’esprit du Traité de l’Elysée qui prévoit que des décisions importantes ne sont prises qu’après consultation entre Paris et Berlin.

category:

 
Charles Goerens image

About Charles Goerens

Member of the European Parliament (Renew Europe)

Continue reading

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *