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N’est pas Merkel qui veut

December 10, 2015 by Charles Goerens

Le Jeudi, 10/12/2015

Elle déçoit les Söder, Seehofer et autres détracteurs de sa culture d’accueil des réfugiés syriens. Elle les déçoit parce que ses alliés du CSU ne veulent pas décevoir leur électorat.

 

Elle irrite ses alliés politiques qui lui reprochent d’avoir sous-estimé l’ampleur de la tâche qui résulte de l’afflux massif de réfugiés. Certes, les responsables des centres d’accueil et leurs autorités de tutelle n’avaient à aucun moment envisagé un afflux d’une telle envergure. Mais est-ce une raison pour donner une fin de non-recevoir à toutes ces personnes qui ont réussi à sortir de l’enfer syrien?

 

La chancelière dérange parce que, dans un océan de lâcheté et d’indifférence, rien que sa détermination en appelle à la conscience collective des Européens dont les dirigeants polonais, britanniques, slovaques, hongrois -la liste n’est pas exhaustive- se contentent du minimum minimorum en matière d’accueil de réfugiés. Sans lever la voix, elle dérange ses homologues qui prétendent avoir atteint les limites de leurs capacités en acceptant d’accueillir chez eux vingt mille demandeurs d’asile sur deux ans. Cet effort, à répartir sur 24 mois, est l’équivalent de ce que fait l’Allemagne en un seul week-end.

 

Madame Merkel redonne espoir à ceux qui, avant leur arrivée en Allemagne, ont connu les bombardements, la persécution, la privation et la souffrance. Elle envoie également un signal fort aux citoyens européens encore attachés aux valeurs fondamentales et aux droits et obligations inscrits dans les Conventions de Genève.

 

Elle rassure ceux qui jusque-là doutaient encore du rôle stabilisateur de l’Allemagne contemporaine. Non seulement l’Allemagne de 2015 n’est plus la cause du problème, mais elle en est carrément la solution. Le problème aujourd’hui, ce n’est plus l’Allemagne mais la frilosité de la plupart des dirigeants des Etats membres en proie à des masses populaires peu à peu tentées par des positions plus dures face à l’étranger.

 

L’histoire serait-elle en train de se répéter? Risquons un regard sur la fin des années 1930. En 1938, plus précisément, le Président Roosevelt convoque la Conférence d’Evian à laquelle participent 37 Etats. Les participants se donnent une semaine pour explorer des possibilités de mettre en sécurité cinq cent mille juifs allemands de plus en plus menacés par le régime nazi. La conférence se solde par un échec. Tour à tour, les Etats confirment l’étanchéité de leurs frontières et refusent des quotas susceptibles de répartir équitablement les charges de l’accueil des juifs entre eux.

 

En fait, c’est la peur qui préside à cette conférence. La peur de voir les trois millions de juifs polonais s’ajouter aux juifs allemands en quête de sécurité, sans parler des juifs hongrois ou soviétiques, finit par paralyser le processus. On connaît la suite. Evian est incapable de dégager une solution. La communauté internationale rate ainsi la dernière occasion de libérer les juifs européens du joug nazi. La solution finale sera décidée quelques années plus tard.

 

Comparaison n’est pas raison, certes. Et si on retenait tout simplement que les Etats réunis à Evian en 1938 nous rappellent ce qu’il ne faut pas faire alors que l’Allemagne contemporaine nous indique la voie à suivre.

 

Photo (c) NBC News

 

 
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About Charles Goerens

Member of the European Parliament (Renew Europe)

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