Les réfugiés syriens doivent avoir l’opportunité de rentrer un jour au pays
September 19, 2015 by Charles Goerens
Tribune de Guy Verhofstadt que j'ai co-signée et qui était publiée par le "Luxemburger Wort", samedi, le 19 septembre 2015
Si nous voulons nous attaquer aux racines de la crise humanitaire qui affecte l’Europe, il est temps pour les dirigeants occidentaux et la Communauté internationale de prendre leurs responsabilités en Syrie et au Proche et Moyen-Orient. Cela fait quatre ans que la Syrie s’enfonce dans la guerre civile sans aucune perspective politique. Nous ne pouvons plus nous contenter d’être spectateurs. Nous devons être acteurs de la résolution de ce conflit. Le nombre de victimes s’élève à plus de 220.000. Six millions de Syriens, soit près d’un quart de la population, sont réfugiés et ce nombre risque malheureusement de croitre car cette guerre sanglante est loin d’être achevée. Malgré les bombardements de la Coalition patronnée par les Etats-Unis, Daech et d’autres groupes islamistes continuent en effet à perpétrer en toute impunité des massacres aux portes de l’Europe. La photographie du petit Aylan Kurdi, mort sur une plage de Bodrum, symbolise l’échec mondial à mettre un terme à ces atrocités. Pour le bien de l’humanité, nous sommes convaincus qu’il est de notre devoir d’agir immédiatement pour aider à mettre fin à ce conflit et à ramener la stabilité dans l’ensemble de cette région.
Parvenir à une solution durable passe par un rôle central de l’Union européenne, des États-Unis, de la Russie et de la Chine. La présence russe en Syrie s’intensifie. Plusieurs avions de chasse ont étés identifiés et des casernements seraient en construction, semblant ouvrir la voie à une présence militaire d’envergure. Vladimir Poutine a compris ce que nous, Européens, avons toujours du mal à admettre: la communauté internationale ne peut plus rester indifférente à ce conflit régional aussi intolérable qu’insoutenable. En s’impliquant plus fortement maintenant, le président russe s’assure déjà un rôle central dans la conclusion de tout accord politique futur. Il est désormais impossible d’imaginer une résolution du conflit syrien sans une implication directe de la Russie. La Chine reste en revanche à convaincre que le statut quo n’est plus dans son intérêt. L’Union européenne pour sa part ne doit plus attendre et poursuivre dans la voie de la conclusion de l’accord nucléaire avec l’Iran pour mener une campagne de stabilisation de la région toute entière.
Avant la pause estivale, la communauté internationale, encadrée par le Conseil de sécurité de l’ONU et grâce à la diplomatie européenne, a en effet conclu un accord sans précédent avec l’Iran sur la non-prolifération nucléaire. Federica Mogherini, la Haute Représentante, devrait utiliser l’expérience et la dynamique créée par cet accord pour développer, dans un cadre international, une vision globale de stabilisation de la Syrie et de la région toute entière. Concrètement, cela passe par une initiative à l’ONU visant à dégager une solution politique à même de mettre fin à la guerre civile tout en éradiquant Daech. A l’heure actuelle, la coalition menée par les États-Unis s’est révélée autant incapable d’instaurer la paix que de contenir l’expansion de l’Etat islamique en Syrie et Irak.
Cet échec ne s’explique pas seulement par un manque d’engagement militaire, mais aussi et surtout par un manque de vision globale commune et de solutions partagées pour la région. Développer cette vision commune ne sera pas aisé et ne se fera pas sans controverses. Il faudra parler à Poutine. Il faudra s’engager avec l’Iran et en faire un acteur central d’une solution régionale durable, ce qui implique certaines clarifications à Téhéran. Nous devons également accroître notre soutien à l’opposition syrienne démocratique et modérée, ainsi qu’à l’Armée syrienne libre. Nous savons qu’au sein même de la coalition anti-Daech, chaque partie prenante à des priorités différentes, la guerre civile syrienne étant ainsi devenue le théâtre de conflits d’intérêts par affrontements interposés. Nous nous devons d’essayer. Pour l’Occident, il n’existe aucune bonne option : certaines sont juste moins mauvaises que d’autres et leur nombre ne cesse de s’amenuiser au fur et à mesure que s’intensifient les combats.
Le monde doit donner l’espoir aux réfugiés syriens qu’ils retourneront un jour chez eux. Il est donc temps que l’UE reprenne l’initiative et délivre une vision commune de l’avenir de la région car les conséquences d’un échec durable à régler le conflit syrien seront désastreuses pour tous, et surtout pour l’Europe. Et ceux qui continuent de prétendre que la guerre civile, les bombardements d’Assad et les exactions sanguinaires de Daech ne nous concernent pas, en assumeront la responsabilité.
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