Le jeudi, chronique
September 21, 2017 by Charles Goerens
Luxembourg, 21/09/2017
Avec le Brexit nous ne serons pas encore arrivés au bout de nos peines. Ainsi avec la subtilité britannique en moins, les dirigeants actuels de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque ainsi que de la Slovaquie, tentés par le populisme, voire le nationalisme, font-ils tout pour bloquer d’importants chantiers de la construction européenne.
Non seulement il n’y a pas l’ombre d’une réaction de leur part à l’appel de leurs partenaires pour répartir les charges inhérentes à l’accueil des réfugiés, mais encore refusent-ils carrément d’appliquer des mesures décidées par l’Union européenne. De plus, pour ce qui est de la Pologne et de la Hongrie, ces deux Etats membres vont même jusqu’à porter atteinte au bon fonctionnement de la justice ainsi qu’à la liberté de la presse.
On s’aperçoit donc aujourd’hui qu’il ne suffit pas de respecter les principes fondamentaux, et parmi eux les droits de la personne, basés sur la non-discrimination et la dignité humaine, au moment de devenir membre de l’Union européenne. Aussi faut-il les faire respecter de façon pérenne. Et c’est là, précisément, que le bât blesse.
Certes, le Traité laisse à la Commission européenne, qui en est sa gardienne, la possibilité d’initier un mécanisme de sanctions à l’endroit d’un État membre défaillant, prévu par l’article 7, pouvant, le cas échéant, priver un État membre de son droit de vote au Conseil de l’Union pour une durée déterminée. Pour devenir effective, la sanction proposée par la Commission doit être entérinée par les autres États membres à l’unanimité. L’inefficacité notoire de cette disposition saute aux yeux dès lors que la Hongrie a déjà annoncé vouloir faire barrage à la proposition éventuelle de la Commission de vouloir appliquer l’article 7 à la Pologne.
Comment mettre fin à une situation où l’unanimité est requise pour rétablir le respect du droit alors qu’il suffit qu’un seul membre s’en écarte ? Faut-il s’en accommoder ? Non car plutôt que de céder à la fatalité, il serait judicieux de faire du respect des valeurs fondamentales par les Etats membres la priorité absolue et d’adapter le Traité en conséquence. Approfondissement de l’Union européenne avant toute autre chose donc. Cela ne pourrait pas rester sans effet sur l’évolution de chantiers importants de l’UE et notamment son élargissement.
L’on pourrait voir dans pareille proposition une mesure susceptible d’irriter passablement les candidats à l’adhésion. Certes, mais pas nécessairement de façon durable. D’abord, rien n’est figé à tout jamais et, par ailleurs, n’est-il pas dans l’intérêt-même de la Serbie, du Monténégro, de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, du Kosovo et de l’Albanie, pays qui, naguère encore, ont connu la guerre ou la dictature, parfois les deux à la fois, d’adhérer à une Union européenne qui ne laisse pas planer le moindre doute sur sa capacité de faire respecter le principe de l’Etat de droit et les valeurs fondamentales. Pour l’instant la Pologne et la Hongrie privent l’UE de cette capacité.
L’on pourrait néanmoins s’imaginer que, dans un avenir prévisible, les cinq pays candidats des Balkans, sans pouvoir devenir membres officiels à ce stade, pourraient bénéficier, pour ainsi dire, de tous les avantages des politiques européennes sans pouvoir pour autant participer au processus décisionnel. Tout sauf les institutions, en quelque sorte.
Il pourrait être mis fin à cette période d’attente dès que l’UE aura réussi à se doter de règles strictes qui soient de nature à faire respecter, sans équivoque, ses valeurs fondamentales. Le respect des priorités impliquerait, au cas où l’UE ferait siennes les vues exposées ci-dessus, que l’approfondissement devrait précéder, en toute logique l’élargissement. Aux dirigeants de la Hongrie et de la Pologne de rentrer dans le rang avant toute autre chose.
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