Le Jeudi – Chronique
July 14, 2016 by Charles Goerens
Luxembourg, 14/07/2016
Dans quatre mois les citoyens des États-Unis décideront si le destin de leur pays pour les quatre prochaines années sera confié à un homme ou à une femme. L’élue sera probablement Hillary Clinton, du moins faut-il l’espérer. À maints égards cette élection sera décisive. Pour les questions de paix intérieure d’abord, il ne sera pas anodin de savoir sur qui sera porté le choix. Les Américains vont devoir se départager entre Trump, la grande gueule, prêt à démarrer au quart de tour pour souffler sur la braise ou une dame dont on sait que, sans nécessairement faire l’unanimité, elle constitue tout de même une référence très solide pour ceux qui veulent une société plus inclusive, plus libre et plus juste. Cette élection sera importante également pour le reste du monde, et notamment pour l’Europe.
Quoiqu’il en soit, la personne élue sera influente, très influente. Son pouvoir s’exercera tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des États-Unis. Obama, dont le mandat arrivera bientôt à son terme, multiplie, entretemps, ses visites auprès de ses alliés depuis le début du printemps. Ses déplacements à Hanovre, au Japon ou à Madrid sont davantage assimilables à des cérémonies d’adieu plutôt qu’à l’ouverture de grands chantiers politiques. Les grandes orientations politiques sont d’ailleurs rarement arrêtées en fin de mandat présidentiel. L’on attend décemment qu’une légitimité nouvelle, conférée par le suffrage universel du 20 novembre prochain, mettra la nouvelle administration en position de force pour relever les nouveaux défis.
En clair: il n’y a plus eu de prise de décision importante par Washington depuis le début de l’année. À cela s’ajoute une période d’attente de deux mois entre le 20 novembre 2016, date de l’élection, et le 20 janvier 2017, jour du sacre du futur Président, suivi de l’état de grâce habituel des cent premiers jours après sa prise de fonction. Une fois le cap fixé et la stratégie mise au point, la nouvelle administration américaine reprendra les choses en main. Entretemps, quinze mois se seront écoulés sans que l’UE ait pu influer de façon effective sur les choix politiques de la superpuissance en matière internationale pour les quatre années du nouveau mandat. Or une implication résolue, au moment opportun, de l’UE dans la gestion des grands dossiers du monde est indispensable si nous voulons dépasser le stade de simple observateur. C’est maintenant qu’il faut signaler à la future Présidence ce que nous attendons des États-Unis en matière de sécurité, de politique étrangère et de défense de nos valeurs communes.
Quand est-ce que l’UE pourra laisser derrière elle cette incapacité notoire de faire valoir ses vues en temps opportun auprès de son principal allié pour tout ce qui est d’intérêt commun? La réponse à cette question est double. Pour être en mesure d’impressionner nos alliés, en parlant d’une seule voix, il faut d’abord avoir un projet commun, ce qui est loin d’être le cas. Au contraire, en 2016, les États membres de l’UE ressemblent à tout sauf à une communauté de destin. Ce qui est tout aussi important, c’est la méthode, le processus décisionnel, la capacité de se diriger vers une position commune. Quand on n’a ni l’un ni l’autre, on se prive de l’essentiel en politique: la capacité de faire bouger les lignes.
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