Chronique
February 9, 2017 by Charles Goerens
Le Jeudi, 09/02/2017
Un Occident sans repères?
Les primaires et, plus tard, la campagne électorale proprement dite, nous avait fait découvrir un personnage peu conventionnel. Le candidat Trump, grande gueule, sans la moindre expérience politique, profanant des propos plus que maladroits à l’endroit des femmes, n’avait apparemment pas la moindre chance de sortir vainqueur des élections présidentielles. Et puis, de toute façon, même dans l’hypothèse la plus invraisemblable de son élection, on s’attendait à le voir, une fois investi, incarner la posture de l’homme d’Etat.
Rien de tel depuis le 9 novembre 2016, on s’est tous trompés. Les sondages annonçant tout au long de la campagne la victoire de Hillary Clinton? A côté! Et la loi, pour ainsi dire naturelle, selon laquelle, dès la prise de ses responsabilités, le nouveau Président allait grandir dans sa fonction? Grande illusion! Et la certitude que les structures transatlantiques, contrairement à celles imposées par l’Union soviétique jusqu’à l’an 1989 allaient résister à l’usure du temps? Le doute s’installe! Quid d’un ordre mondial marqué par l’influence américaine, basé sur le droit, le principe de non-discrimination, la liberté et la solidarité? Des certitudes qui s’ébranlent!
Comment appréhender dès lors le système Trump à trois semaines à peine de son sacre? Celui qui s’était présenté comme le candidat du peuple, à mille lieues de l’« establishment », ne fait pas dans la dentelle. Avec une rare brutalité, il s’apprête à mettre en œuvre, une à une, les mesures annoncées au cours de la campagne électorale. Ceux qui avaient pris ses propos de campagne pour des histoires à dormir debout vont finir par reconnaître qu’il fallait le prendre au mot.
Rien ne va changer? Tout va changer! L’OTAN, dont le Traité met en avant le principe de l’assistance mutuelle en cas de conflit, est rongée par le doute. Les Etats-Unis, longtemps opposés à l’émancipation des Européens au sein de l’Alliance atlantique, considèrent celle-ci comme démodée et incitent l’Union européenne à un accroissement des dépenses militaires sans précédent. Payer plus cher pour moins de sécurité? Nos dirigeants sont en désarroi. En ce 6 février, Trump relativise ses propos sur l’OTAN. Le mal est fait. Il n’y a plus de continuité dans les relations extérieures des Etats-Unis.
Quant au volet extérieur de la politique économique des Etats-Unis, le mot d’ordre de Trump est “America first”. Le protectionnisme serait de retour. L’Union européenne, déjà passablement affaiblie par le Brexit que Trump appelle de ses vœux, s’accommoderait mal d’un recul sensible de ses exportations.
Autant de raisons pour les Européens de resserrer les rangs, de revoir les fondements de la construction européenne, de décider des réformes susceptibles et de se doter enfin des structures décisionnelles appropriées. Une question de volonté politique, quoi. Faut-il avoir peur de Trump? Oui, si nous nous installions dans une atmosphère de fatalité. Non, à condition d’être conscients de nos potentialités et d’agir en conséquence.
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