Chronique Le Jeudi: Une victoire pour la démocratie
October 20, 2011 by Charles Goerens
Une victoire pour la démocratie
Les «primaires» font partie, depuis toujours, du «paysage» politique des Etats-Unis. Est-ce que l’exemple des primaires socialistes français fera école ailleurs en Europe? Sera-t-il suivi demain en Allemagne par les sociaux-démocrates lorsqu’il s’agira de départager les candidats et désigner un challenger pour Angela Merkel? Pourquoi pas? Finalement, les primaires du Parti socialiste français ne se sont pas trop mal passées. Il s’agit même d’un franc succès.
Et pourtant, il ne s’est pas agi, en l’occurrence, d’une opération sans risques tant était incertaine la participation citoyenne à une opération sur un terrain jusque-là inexploré. A cela s’ajoutait une autre difficulté, celle qui consistait à savoir si les municipalités acceptaient d’y apporter leur concours logistique. Ce dernier aspect qui n’était pas acquis d’avance – les maires invités à autoriser les élections dans les lieux publics n’étant pas tous de gauche – ne s’est révélé que très marginalement perturbateur. En ce qui concerne la participation, les responsables du PS espéraient pouvoir mobiliser au moins un million de citoyens, nombre bien supérieur aux seuls militants socialistes qui représentent à peine un tiers du niveau de participants visé. Avec 2,7 millions d’inscrits au deuxième tour, on peut parler d’une mobilisation allant bien au delà des attentes.
Le PS, qui ambitionne de reprendre la Présidence de la République, après dix-sept années d’opposition, vient de remporter une belle manche dans la course vers l’Elysée.
Il ne s’agit toutefois que d’une étape, au terme de laquelle il faut reconnaître que la personnalisation de la politique française fait son petit bonhomme de chemin, tendance clairement confirmée par les primaires.
Retenons donc, à propos des primaires, une belle opération de communication doublée d’une mobilisation sans précédent.
Quant au fond, le discours de François Hollande, qui l’a finalement emporté sur tous ses concurrents, s’adresse à une France malade de ses déficits budgétaire et commercial, creusant l’écart avec l’Allemagne, à ses dépens d’ailleurs. Suffisamment réaliste, le candidat socialiste aux présidentielles, qui veut être un président «normal», parti en campagne bien avant ses concurrents, a pu prendre la mesure de l’impact de la crise sans d’ailleurs se faire trop d’illusions sur les actions à engager, une fois investi de la plus haute fonction.
Dans la bataille qui ne fait que commencer, François Hollande, auquel d’aucuns ont reproché d’avoir été trop vague sur ce qui attend les Français après les présidentielles de 2012, a su résister cependant à la tentation du «il n’y a qu’à, il faut que…».
Ayant renoncé aux effets de tribune faciles, il va ainsi donner du fil à retordre à l’actuelle majorité présidentielle. Le fait d’avoir su refuser un discours complaisant le distingue par rapport à ceux qui, naguère encore, incarnaient cette gauche détentrice du monopole du rêve.
Ceux qui, à droite, croient pouvoir entamer sa réputation en le présentant comme un marchand d’illusions vont s’apercevoir assez rapidement que François Hollande, sous son air bonasse, pourrait se révéler être un redoutable tacticien. Qu’on se le dise: Le corrézien n’a pas encore dit son dernier mot. Les autres partis, par contre, et notamment l’UMP, n’auraient-ils pas intérêt à sélectionner, à leur tour, leur candidat dans le cadre d’élections primaires? Un obstacle de taille, cependant, s’y oppose: l’égo surdimensionné du président en exercice. Bien que ne faisant pas l’unanimité au sein de son propre camp, Nicolas Sarkozy s’interdit encore toute ingérence dans son plan de campagne.
De nos jours, les citoyens ne sont plus enclins à suivre aveuglément un leader. De ce point de vue, les primaires ont l’avantage de mettre fin à l’asservissement inconditionnel des troupes à une seule personne.
Qui va perdre les prochaines élections présidentielles? On ne le sait pas encore. Toujours est-il que l’on connaît déjà un premier vainqueur: la démocratie.
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