Chronique Le Jeudi: Rien que le marché?

June 10, 2010 by Charles Goerens

Rien que le marché?
Le marché s’attaque au plus faible pour l’éliminer. S’il fallait encore une preuve, la spéculation contre la dette grecque n’aurait pas manqué de nous la fournir. L’Etat solidaire, par contre, se range du côté du plus faible afin de le redresser. Les adeptes du “rien que le marché” argumentent que toute alternative à leur approche ne serait que gaspillage de fonds qui pourraient d’ailleurs être investis plus utilement dans des projets plus rémunérateurs.
Par contre, d’aucuns parmi les interventionnistes ne jurent que par l’Etat, l’Etat réparateur, l’Etat assureur, l’Etat providence. Le débat actuel est dominé par une atmosphère de “déjà entendu”. En effet, la crise actuelle de l’Euro nous fait revivre des aspects de cette confrontation stérile qui, dans certains pays, commence à prendre des allures de guerre froide économique.
L’aide, la réparation, le repêchage relèveraient d’une idéologie périmée. Il importerait dès lors de les proscrire au motif qu’elles s’opposeraient au cours naturel des choses. Dans cette logique, la sortie de la Grèce de l’Eurozone, selon eux, ne serait plus qu’une question de temps. L’idée de projet même – et à fortiori de projet politique – leur paraît déjà suspecte, parce que trop artificielle, trop interventionniste.
Nous assistons en fait à un remake de la confrontation qui précéda l’introduction de l’Euro. Que de résistances n’a-t-on pas dû briser, que d’obstacles n’a-t-on pas dû surmonter en vue de l’avènement de l’Euro?
Kohl, Genscher, Mitterrand, Delors pour ne citer que les dirigeants les plus en vue à l’époque, tous visionnaires et pragmatiques à la fois, avaient ouvert une troisième voie. Celle-ci consistait à ne privilégier ni le recours exclusif au marché ni l’engagement total de l’Etat qui, selon André Malraux, serait le début de l’Etat totalitaire. L’originalité de leur projet consista à ne reprendre de chacune de ces approches que ce qu’elles avaient de meilleur.
C’est dans cette foulée qu’a été mis en place plus tard le Pacte de stabilité et de croissance, un mécanisme susceptible, entre autres, d’assurer la stabilité de la monnaie unique. La règle retenue, encore en vigueur aujourd’hui, vise le plafonnement des déficits publics annuels à 3% du Produit Intérieur Brut (PIB) et requiert également des Etats membres de l’Eurozone de ne pas dépasser, pour ce qui est de leur endettement public total, 60% de la valeur du même PIB. S’y ajoutent quelques éléments de flexibilité applicables en temps de crise économique grave. Faut-il rappeler, par ailleurs, que si entretemps les perspectives de l’Eurozone se sont assombries, c’est parce que les termes du Pacte de stabilité et de croissance n’ont pas été respectés par plusieurs Etats, dont notamment la Grèce et ce bien avant le début de la crise bancaire de 2008. La responsabilité politique de la crise actuelle de l’Eurozone n’est dès lors pas imputable aux pères de l’Euro, mais bel et bien à ceux qui ont trahi l’esprit du Traité, respectivement du Pacte et qui ont fini par le dénaturer aux moyens de montages financiers auxquels GOLDMAN SACHS n’a pas hésité à prêter main forte.
Les tergiversations dont ont fait preuve les plus hautes autorités politiques allemandes et notamment la Chancelière dans le cadre de la crise de l’Euro ainsi que le triomphalisme du Président de la République française au lendemain de l’adoption du mécanisme de stabilisation ne sont plus l’ombre de l’enthousiasme européen naguère encore incarné par le couple franco-allemand. L’on se souvient non sans un brin de nostalgie des temps où le couple franco-allemand représentait encore le moteur de l’intégration européenne. Kohl, Genscher, Mitterrand et Delors ont, certes, trouvé des successeurs. Mais, à vrai dire, Merkel, Sarkozy, Westerwelle et Barroso n’ont pas vraiment réussi à les remplacer.

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Member of the European Parliament (Renew Europe)

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