Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
October 16, 2014 by Charles Goerens
Ebola: nous sommes tous concernés!
Au mois de mars de cette année, EBOLA se manifeste pour la énième fois en Afrique subsaharienne. Jusque-là, chaque apparition du virus entraînant généralement la mort des personnes contaminées restait limitée à quelques rares cas. En principe, la presse ne devait y consacrer qu’une attention passagère pour voir EBOLA disparaître assez rapidement du journal de 20 heures.
Cette fois-ci, tout est différent. Depuis six mois, le virus progresse inexorablement en Afrique de l’Ouest. Toutes les trois semaines, le nombre de contaminations est multiplié par deux. Les pays disposant d’un système de santé très rudimentaire ont déjà perdu le contrôle de la maladie. Les centres d’isolement sont souvent saturés alors qu’on n’en est qu’au début de l’épidémie. De plus, les médecins et infirmiers, déjà trop peu nombreux au départ, atteints à leur tour par le virus, disparaissent à un rythme inquiétant.
Les malades qui viennent se présenter aux centres d’isolement sont souvent refoulés et vont, de surcroît, contaminer d’autres personnes. Entretemps le système de santé au Libéria est par terre, nous disent les humanitaires. Les morts se comptent par milliers et voir le nombre de personnes contaminées dépasser les dix mille n’est plus qu’une question de jours. Selon certaines projections, le million de victimes pourrait être atteint au printemps 2015. La croissance est devenue exponentielle. Conscients de la gravité de l’actuelle crise de l’EBOLA, les experts multiplient leurs appels à la mobilisation générale. À situation exceptionnelle, déploiement de moyens exceptionnels!
Une (ré)action vigoureuse est attendue depuis des mois. Au lieu de voir la communauté internationale prendre le taureau par les cornes, cette dernière donne l’impression de s’être d’abord installée dans la torpeur de l’été. Or, plus on diffère la mise en place d’un plan d’action approprié, plus l’exécution des mesures indispensables se fait attendre, moins il y a d’espoir de voir reculer EBOLA.
Pour ce faire, il faut être plus rapide que le virus! Qui doit faire quoi, quand et comment? Ou plutôt qui aurait dû agir quand et comment? Le temps perdu ne pouvant plus être rattrapé, il importe désormais de mettre les bouchées doubles et de consulter ceux qui, non seulement n’ont rien à se reprocher, mais qui, inlassablement, au risque de leur vie, sont actifs sur le terrain.
«Médecins sans frontières» ou les «French doctors», confrontés au quotidien à l’épidémie mènent un combat héroïque contre la maladie depuis des mois. C’est eux qui depuis le début du printemps ne cessent d’alerter l’opinion publique à propos de la catastrophe qui allait se développer sous leurs yeux. S’ils ne sont pas les seuls à s’être impliqués dans une lutte sans merci contre EBOLA, ils sont perçus, à raison, comme les acteurs pouvant nous renseigner au mieux sur le plan d’action à mettre en œuvre pour faire reculer ce fléau.
Apprenant à l’instant que d’aucuns, dans le microcosme bruxellois, se demandent s’il ne serait pas opportun de désigner un «Envoyé spécial EBOLA de l’Union européenne» pour les régions les plus touchées, on sera assez nombreux, espérons-le, à refuser à endosser une initiative qui ne contribue en aucune façon à endiguer le problème. Par contre, ce dont nous avons besoin, c’est d’un inventaire global actualisé en fonction des données sans cesse changeantes, faisant état des besoins urgents en matériel, en personnel médical, en termes de capacités de transport et de logistique.
Hélas, on est encore loin du compte. Ainsi, à ce jour, les États membres sont encore incapables de mettre en place une capacité d’évacuation des experts européens actifs dans la région une fois touchés par EBOLA. Cet aspect n’est pas sans importance, étant donné que les personnes pouvant s’impliquer dans le combat contre le virus seront peu disposées à partir pour la région en crise, si elles n’ont pas le moindre espoir de rapatriement une fois contaminées à leur tour. Un exemple parmi d’autres pour nous rappeler l’incapacité notoire des États membres de l’UE de coordonner leurs moyens.
Laissons de côté, pour l’instant, les mesures à prendre dans le long terme. Il importe désormais de mobiliser tous les moyens susceptibles de faire reculer le virus. Croire que la crise pourrait restée limitée à l’Afrique de l’Ouest est un leurre. La responsabilité de tous, et en premier lieu de l’Union européenne et de ses États membres, est engagée. «Si nous ne le faisons pas par altruisme, faisons-le au moins par intérêt». Cette citation de Louis Michel, ancien commissaire au développement, me paraît particulièrement pertinente dans le cadre de la présente crise.
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