Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
January 19, 2012 by Charles Goerens
SUBIR OU AGIR?
2012 va être une année décisive à la fois pour les Français et les Américains. Outre les choix cruciaux de politique économique et sociale, qui s’imposent en cette période de crise, les électeurs des deux pays auront à se prononcer sur leur future direction politique.
Chacun de ces processus démocratiques sera lourd de conséquences pour l’Union européenne, dont le centre de gravité politique tend à se déplacer de plus en plus vers Berlin. C’est, en effet, à Berlin que se préparent les grandes orientations pour la zone Euro.
Berlin a été à l’origine du projet d’Accord intergouvernemental actuellement en discussion. C’est à Berlin que le coup de grâce vient d’être donné à l’intégration européenne, telle que conçue par Helmut Kohl.
Serions-nous dès lors confrontés à un nouveau rapport de forces à l’intérieur de l’Union européenne?
Assurément oui, puisque plus rien ne semble désormais freiner les ardeurs d’une Allemagne habituée à des performances économiques très enviables, dans sa volonté d’adopter une posture politique plus robuste.
Le contraste avec l’Allemagne de l’après-guerre, souffrant d’un complexe d’infériorité, est patent.
Toutefois, la RFA paraît d’autant plus forte que ses partenaires continuent à s’enliser dans la difficulté, ce qui est notamment le cas pour la France. C’est sur cette toile de fond que l’élection présidentielle dans l’Hexagone prend toute son importance.
Le Président qui sortira des urnes, d’ici quelques mois, devra avoir l’autorité suffisante pour signaler à l’Allemagne que les Français n’accepteront plus d’être marginalisés dans le cadre des rapports franco-allemands. Il faut l’espérer. Ce qui donnerait, par ailleurs, aux Français l’opportunité de s’exprimer au nom de tous les Européens soucieux de ne plus voir leurs chefs d’Etat et de gouvernement condamnés à subir le diktat d’outre-Rhin?
Pour être clair, les candidats à l’élection présidentielle pèseront d’autant plus lourdement, tant en France qu’en Europe, qu’ils seront à même de répondre aux attentes de tous les Européens. Et de contribuer ainsi à mettre en place une gouvernance garante à la fois d’un système décisionnel efficace, sans toutefois heurter le principe d’égalité statutaire de tous les Etats membres.
Pour ce qui est de l’élection du Président des Etats-Unis, si celle-ci relève, bien entendu, de la responsabilité des citoyens américains, elle nous concerne également. Ainsi, bien avant l’élection proprement dite, nombre de décisions concernant les affaires du monde sont-elles reportées à plus tard. L’on perçoit déjà, dix mois avant l’échéance, cet effet paralysant qui caractérise en général les périodes préélectorales aux Etats-Unis.
De plus, entre le 6 novembre 2012, jour de l’élection, et le 20 janvier 2013, date de l’investiture du nouveau Président des Etats-Unis, ce dernier donne la priorité à la constitution de sa nouvelle administration; s’y ajoutent les cent premiers jours de la nouvelle équipe, qui jouit, de ce fait, d’une sorte d’état de grâce. Nous voilà déjà arrivés au mois de mai 2013. Serions-nous dès lors réduits au rôle de simple observateur en attendant la fin de la période de rodage à Washington?
Ne tablons pas sur la fatalité! L’Union européenne, qui aspire à devenir un acteur global, serait bien inspirée de profiter de cette période de 15 mois pour faire part aux candidats à l’élection présidentielle d’abord, et au Président élu ensuite, des vues de l’Union sur les grands thèmes que sont les relations transatlantiques, le changement climatique, la crise économique, les relations avec les pays en développement…
Pour une Europe qui, au fil des ans, a fini par accepter le leadership américain dans nombre de domaines, s’agirait-il d’une initiative d’ores et déjà vouée à l’échec? Pas nécessairement. Il faut oser. Cela ne pourra se faire cependant que si l’Union européenne arrive à définir des positions claires sur les grands sujets d’intérêt commun. A cette fin, elle serait bien inspirée de recourir de nouveau à la méthode communautaire. Les termes du choix sont bien clairs: partager un peu plus de souveraineté et peser davantage dans un monde marqué par la globalisation ou accepter de se priver de toute possibilité d’influer sur le cours de choses. Pourquoi devrait-on se priver d’une opportunité d’agir à un moment où les décisions ne sont pas encore prises? L’alternative consisterait tout simplement à accepter le fait accompli.
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