Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
March 8, 2012 by Charles Goerens
La «démocrature hongroise»
Les nationalismes et populismes ne cessent d’influer sur le débat européen. A peine trois semaines après le lancement de son site internet destiné à recueillir des critiques à l’endroit des immigrés de l’est de l’Europe, le populiste néerlandais Geert Wilders a lancé, cette semaine, un pavé dans la mare en présentant une étude (faite sur mesure par une agence londonienne ouvertement eurosceptique) sur les méfaits de l’euro. Par ailleurs, l’apprenti-sorcier hongrois, Victor Orban, continue, de son côté, à défrayer la chronique.
En effet, avec sa manière de flatter le sentiment nationaliste magyar depuis deux ans, le gouvernement de Victor Orban se serait disqualifié en tant que pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne en 2004. Disposant d’une majorité parlementaire des deux tiers, son parti n’hésite pas à reformuler, à sa guise, les dispositions constitutionnelles sur la liberté de la presse. Par ailleurs, en baissant l’âge de la retraite pour les juges de 70 à 62 ans, Victor Orban a trouvé le moyen de se débarrasser des magistrats qui pourraient lui être gênants. Cependant, le Premier ministre hongrois ne se laisse guère impressionner par les mises en garde de l’UE. Dans un premier temps, il accepte de porter quelques modifications de façade à sa législation avant de préparer son prochain coup. Sa tentative de porter atteinte à l’indépendance de la Banque centrale de son pays n’en est qu’une ultime illustration.
Il est clair que, suite aux agissements du Gouvernement Orban, la Hongrie s’est écartée et de l’esprit et de la lettre des critères de Copenhague. C’est pourquoi la Commission européenne a engagé trois procédures d’infraction contre le pays dont l’issue est encore incertaine.
Pour les institutions européennes, le cas hongrois constitue désormais un vrai test de crédibilité. En effet, le Traité de l’UE prévoit dans son article 7 de pouvoir suspendre le droit de vote d’un Etat membre en cas de violation grave des valeurs fondamentales, telles que définies dans l’article 2 du Traité de Lisbonne relatives à la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’Etat de droit et au respect des droits de l’Homme. Ajoutons qu’il ne suffit pas de constater les atteintes auxdites valeurs, encore faut-il que les Etats membres votent les sanctions prévues par le Traité.
Aussi, lors de son intervention au sein du Parlement européen le 18 janvier, Victor Orban, a-t-il, non sans habilité, essayé de diviser les groupes politiques du Parlement européen dans le cadre de la discussion portant sur la conformité de l’action de son gouvernement à la législation européenne.
Pour être crédible, la riposte de l’UE devrait se situer à deux niveaux, l’un politique, l’autre juridique. Quant au plan juridique, les procédures prévoient des délais qui sont parfois tels qu’ils peuvent faire douter l’opinion publique de la volonté de la Commission d’aller de l’avant. Il serait judicieux, dès lors, de sortir du piège de l’inaction auquel la lenteur de la démarche de la Commission semble nous avoir condamnés et d’explorer des possibilités de riposte plus rapides et complémentaires à celles déjà existantes. De ce point de vue, rien ne devrait empêcher l’Agence des droits fondamentaux de Vienne de s’exprimer dans un délai plus rapproché sur la question de savoir si un Etat membre agit encore en conformité avec le droit européen et les engagements pris au moment de son adhésion à l’UE. Finalement, grâce à l’implication de l’Agence de Vienne, la sphère politique ne pourrait plus prétexter d’aspects procéduraux pour se dispenser de prendre position face aux agissements inacceptables d’un Etat membre au regard des valeurs inaliénables qui constituent le fondement même de la construction européenne.
Il importe de rester vigilant en matière de respect des droits fondamentaux. Les autorités hongroises pourraient considérer l’appartenance à l’Union européenne comme contraire aux aspirations du peuple hongrois. Si tel était bien le cas, Victor Orban devrait expliquer à son peuple que celui-ci avait fait le mauvais choix en décidant en 2004 d’adhérer à une Union basée sur des valeurs fondamentales de libertés et de droit et en tirer toutes les conséquences.
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