Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
April 19, 2012 by Charles Goerens
La Chine: un pays en développement?
La Chine, première puissance exportatrice du monde, pourra-t-elle encore bénéficier, à l’avenir,de l’Aide publique au développement (APD)? La Commission européenne vient de mettre un terme à cette interrogation en déclarant vouloir biffer de la liste des bénéficiaires de son APD non seulement la Chine, mais également l’Inde et le Brésil, entre autres. Elle l’a annoncé dans le cadre de son programme pour le changement (“Agenda for Change”) qui précise les lignes directrices de l’UE dans ses relations avec les pays en développement.
Les changements en profondeur, qui secouent le monde depuis les années 1990, confirment la justesse des vues de la Commission. Peut-on, en effet, ignorer que le centre de gravité du monde économique est en train de se déplacer des pays à économie mature vers les pays encore émergents ou déjà émergés. Rappelons qu’à l’origine de ce phénomène se trouve la mondialisation qui, d’une part réduit les inégalités entre les Etats et, de l’autre, les accroît à l’intérieur des nations, qu’elles soient riches ou pauvres.
La lutte contre la pauvreté dans un pays qui s’enrichit, dont l’économie dégage de plus en plus de ressources, devient, dès lors, la responsabilité première de ses autorités politiques. Il incombe donc à la Chine, au Brésil, à l’Inde, au Pérou, et à bien d’autres, de consacrer une part croissante de leur revenu à leurs citoyens en détresse.
L’éradication de la misère matérielle relève, de ce fait, de la politique intérieure de leur pays plutôt que de la solidarité internationale.
L’UE pourra ainsi consacrer son Aide publique au développement aux pays en développement qui en ont le plus besoin, et, parmi eux, le groupe des pays les moins avancés (PMA). Le programme pour le changement de l’UE va contribuer, de ce fait, à la responsabilisation de tous les Etats en matière de lutte contre la pauvreté à l’horizon 2015. Or, le plus grand nombre de pauvres meurt dans les pays à revenu intermédiaire. Désormais, le sort des pauvres dans ces pays va être lié davantage à la capacité de redistribution des moyens de leur pays que de l’aide extérieure.
Autre accent du programme pour le changement: la croissance inclusive. La Commission insiste, à raison, sur le rôle du développement économique comme générateur potentiel de progrès social. A cette fin, la promotion des activités économiques dans les pays en développement partenaires de l’UE deviendrait éligible au titre d’aide publique au développement.
D’aucuns redoutent cependant la probabilité de voir les moyens réservés, le cas échéant, à la croissance inclusive servir à des fins autres que la lutte contre la pauvreté. En raison de ce risque, il peut paraître judicieux de prévoir des garde-fous. En effet, tout projet consacrant des moyens importants à la croissance inclusive devrait faire l’objet d’une évaluation destinée à nous renseigner sur son impact réel en termes de réduction de la pauvreté. Toutefois, s’agissant des pays en développement, les personnes les plus pauvres y trouvent, pour la plupart d’entre elles, leurs moyens de subsistance dans ce qu’il est convenu d’appeler “l’économie informelle”. La croissance inclusive ne pourra donc en aucun cas faire l’impasse sur cette particularité qui est loin d’être marginale.
Le double constat ci-dessus nous rappelle la nécessité de progresser en matière de cohérence de toutes les politiques de l’UE. Cela veut dire que l’on devrait veiller à ne pas détruire, par les moyens mobilisés dans un domaine, un projet élaboré dans un autre domaine politique.
Leave a Reply