Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
October 25, 2012 by Charles Goerens
L’Europe anoblie
En attribuant le Prix Nobel de la Paix à l’Union européenne, les membres de l’illustre Jury ont créé la surprise.
Cette décision surprend, au moins pour deux raisons.
D’un côté, le Jury n’a pas jugé opportun de retenir une personne méritoire capable d’influer de façon tout à fait exemplaire sur les relations entre hommes, respectivement entre Etats.
De l’autre côté, l’Union européenne devient récipiendaire du plus prestigieux prix décerné annuellement au moment où celle-ci vit les développements les plus dramatiques jamais rencontrés au cours de son histoire.
Reconnaissons-le, comparée à d’autres espaces économiques et/ou politiques, l’Union européenne est loin de se trouver dans une situation exécrable.
Ce qui inquiète, par contre, c’est la tendance, l’évolution dans laquelle s’inscrit son développement économique, social, voire politique. Son incapacité de faire naître des réponses durables aux problèmes de la dette souveraine de ses Etats membres de la zone Euro risque de l’entraîner dans des bouleversements sociaux de très grande ampleur qui pourraient mettre en cause la paix sociale et le modèle de gestion des conflits de l’Union européenne.
Les difficultés manifestes de nos élites – que sont les acteurs tant du Conseil que de la Commission – à en venir au bout de la crise actuelle, semblent avoir dissuadé les membres du Jury de décerner le Prix Nobel de la Paix à une personne engagée dans des responsabilités politiques au niveau de l’Union.
Qu’est-ce qui a donc bien pu les motiver dans leur décision?
A défaut de vouloir se prononcer sur un homme ou une femme aux mérites incontestables – il doit y en avoir – en matière d’intégration européenne, ils ont retenu un groupe de 27 pays unis par un ensemble de textes précisant les pouvoirs et compétences d’une entité politique en quête de projet. Cette grande “inachevée” qu’est l’Union européenne, et c’est fort regrettable, se met à balbutier sinon dans toutes ses 23 langues officielles, du moins dans un Anglais souvent très approximatif dès qu’on l’interroge sur son projet, sur son degré d’intégration, sur son indispensable capacité à se démocratiser…
Pour rester dans le domaine de la spéculation, pourquoi ne soupçonnerait-on pas les membres du Comité Nobel de s’être laissé guider par des arrière-pensées? Il est difficile d’évoquer cette hypothèse, étant donné que les institutions scandinaves sont en général des temples de la transparence. Mais on ne peut pas l’exclure a priori.
Le Jury du Prix Nobel aurait-il donc plutôt décerné son prix à cet idéal européen toujours ambitionné? Il est vrai, la crise de confiance qui s’aggrave entre les élites et les citoyens européens constitue un danger tel pour notre continent que c’est l’idéal visé par la construction européenne, plutôt que l’Union dans son état actuel, qui puisse garantir à l’avenir la pacification durable de notre continent.
A l’heure de la communication instantanée, et au regard de leur silence relatif sur cet aspect, les membres du Jury me pardonneront de leur prêter les arrière-pensées les plus nobles.
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