Chronique Le Jeudi: L’Europe, ça s’explique
May 26, 2015 by Charles Goerens
Le Référendum britannique, bien plus qu’une affaire insulaire
En pleine guerre, le Président ukrainien, soucieux de voir son pays adhérer au plus vite à l’Union européenne, fait sa profession de foi pour l’Europe. Cela étant, il ne fait qu’exprimer un sentiment largement répandu dans une population en quête de stabilité, de paix et de prospérité, marquée par la perte de la Crimée et la guerre contre les séparatistes armés jusqu’aux dents par la Russie. La Macédoine, le Monténégro, l’Albanie, la Serbie et le Kosovo notamment attendent eux aussi avec impatience le jour de leur adhésion à l’Union européenne. En 2015, tout comme au cours des dernières décennies, il est vrai, l’Union européenne reste convoitée de toutes parts.
A l’intérieur, par contre, le rapport à l’Union européenne de certains de ses Etats membres est moins enthousiaste. Pour preuve, la faible participation aux élections pour le Parlement européen, qui, dans certains cas, n’atteint même plus 20%. Le taux de participation électorale, n’est toutefois pas le seul indicateur de désabusement d’une part de l’opinion publique de plus en plus eurosceptique. Il n’est dès lors pas étonnant de voir certains dirigeants, soucieux d’être en phase avec leurs citoyens, multiplier leurs déclarations eurosceptiques, souverainistes voire nationalistes.
Que l’Union européenne soit plus appréciée à l’extérieur qu’à l’intérieur n’est pas nouveau. Hans-Dietrich Genscher, l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères n’avait-il pas l’habitude de dire que l’Europe était surestimée à l’extérieur et sous-estimée à l’intérieur de ses frontières? Dans tous nos Etats membres, certes, les adeptes de la construction européenne restent très nombreux. Les référendums français, néerlandais, irlandais ou danois sur les Traités de Maastricht ou sur le projet de Traité constitutionnel ont fait apparaître, cependant, dans nos sociétés des clivages laissant apparaître deux blocs à peu près égaux mais aux vues diamétralement opposées quant aux orientations à arrêter en matière d’intégration européenne.
Longtemps considérée comme construction pérenne, l’Union européenne arrivait toujours à surmonter tant bien que mal les difficultés passagères auxquelles elle devait faire face. Quelles qu’aient pu être les problèmes rencontrés, ces derniers n’ont jamais eu pour effet de remettre en cause l’existence même de l’Union européenne. Jusque-là, en tout cas, aucune crise, institutionnelle, économique ou monétaire ne s’est soldée par le départ d’un Etat membre de l’Union. Cela eût d’ailleurs été non conforme au droit européen. Ce n’est qu’à partir de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, et c’est nouveau, que la possibilité est ouverte à un Etat membre de quitter l’Union européenne.
Le Royaume-Uni est le premier pays à vouloir recourir à y recourir. Annoncé dans son fameux discours sur l’Europe du 23 janvier 2013, le Premier Ministre de sa Majesté en a fait un enjeu électoral. Jeudi dernier, les électeurs britanniques ont donné une majorité parlementaire à David Cameron, mettant ainsi ce dernier dans l’obligation d’organiser, comme annoncé lors de sa campagne électorale, un référendum en 2017 sur le maintien ou non de son pays dans l’Union européenne. La question sur laquelle les Britanniques seront appelés à trancher sera de savoir si le Royaume-Uni restera membre de l’Union européenne sur la base d’un Traité renégocié et plus conforme aux attentes de Cameron qui, pour l’instant du moins, est le seul à souhaiter que le Traité soit remis sur le métier.
Depuis jeudi dernier, la question du référendum n’est donc plus à considérer comme une affaire de politique purement intérieure du Royaume-Uni pour la simple raison que toute modification du Traité requiert l’accord unanime des Etats membres. Cameron n’est de ce fait aucunement maître du jeu. Certes, il lui incombe de fixer la date de la consultation ainsi que la question du “in or out”. Pour l’essentiel, cependant, cette opération reste une devinette. En effet, les vingt-sept partenaires du Royaume-Uni vont-ils accepter l’ouverture d’une conférence intergouvernementale-préalable à la modification du Traité – portant sur les réformes exigées par Cameron? Dans l’affirmative, pourront-ils s’entendre sur la nature des concessions à lui accorder ? Si, par contre, Cameron n’arrivait pas à convaincre ses partenaires, les choses resteraient en l’état et le référendum porterait sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, version actuelle.
En définitive, le choix des Britanniques portera sur leur maintien dans l’Union européenne version “light” que Cameron appelle de ses vœux ou dans une “Union sans cesse plus étroite”. Ainsi revient-il à Cameron de fixer la date du référendum et aux autres Etats membres de préciser le contenu de la question qui en fera l’objet, situation peu confortable pour un Premier Ministre qui veut rester maître de son destin…
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