Chronique Le Jeudi: Après le Mondial: l’Afrique qui ose
July 8, 2010 by Charles Goerens
Après le Mondial: l’Afrique qui ose
Avec la victoire de l’Espagne se termine un événement qui, de l’avis de tous, aura été à maints égards une réussite peu commune. Retenons avant tout l’aspect sportif d’une part et de l’autre le côté plutôt organisationnel. Ce dernier aspect est à mettre à l’actif de l’Afrique du Sud, pays d’accueil de la compétition. Peuvent en témoigner, en effet, les millions de supporters passés dans les stades au cours des derniers mois, ainsi que les milliards de téléspectateurs qui, des semaines durant, ont évolué au rythme du Mondial. La moitié de l’humanité a eu droit à son lot de suspens, d’euphories et de déceptions.
Le football a ainsi révélé, une fois de plus, son pouvoir de mobilisation, sa capacité d’entraînement… La partie la plus visible de ce pouvoir, qui s’est manifestée dans les stades, devant les postes de télévision, sans parler des gigantesques rassemblements populaires autour d’écrans géants érigés à cette fin à des endroits stratégiques, a de quoi rendre jaloux nombre d’acteurs politiques et syndicaux dont les appels à la mobilisation n’arrivent que très rarement à attirer du monde.
Un aspect éclipsé par les moments spectaculaires du Mondial, qui pourtant est de taille, est la qualité de l’accord qu’a réservé l’Afrique du Sud à ses visiteurs. Non seulement la patrie de Nelson Mandela et de Desmond Tutu peut se targuer d’avoir réussi, de ce point de vue, un parcours sans faute, ce qui en soi constitue déjà une belle performance, mais le grand mérite de l’Afrique du Sud aura été d’avoir réussi à changer la perception que nous étions nombreux à avoir jusque-là non seulement de la puissance invitante en particulier mais du continent africain en général.
En moins de cinq semaines, la magie du ballon a réussi à imposer une image du continent noir très différente de celle véhiculée par la perception nourrie au fil des décennies par des stéréotypes de toutes sortes.
N’est-ce pas la première fois dans son histoire que l’Afrique présente à des milliards d’êtres humains une vue du continent qui contraste avec celle misérabiliste, marquée par la corruption, minée par les conflits et les guerres tribales, rendue exsangue par la malnutrition, la famine et le VIH/SIDA?
Certes, un mois de compétition sportive de ce niveau ne remplit pas les greniers du Niger, tout comme le bruit assourdissant des Vuvuzelas n’arrive pas à faire taire les cris de détresse des populations civiles, victimes de conflits interethniques.
Rien n’a changé? Tout a changé! L’Afrique du Sud a eu raison des plus sceptiques qui ne cachaient pas leur inquiétude quant à la capacité de ses autorités d’assurer la sécurité des supporters venus des quatre coins du monde. La même Afrique du Sud ne cesse de susciter l’admiration du monde entier qui lui découvre ainsi du jour au lendemain des talents d’organisateur – avouons-le – assez exceptionnels.
Ce qui a changé, ce n’est pas la réalité africaine, mais bien le regard qui est désormais porté sur l’Afrique. Ce n’est plus l’Afrique qui souffre, qui régresse, qui sombre dans la misère et qui a droit à notre compassion. C’est bien l’Afrique qui agit, qui est aux commandes, qui ose et qui mérite notre admiration. Pour l’Afrique, le Mondial a été une épreuve. Elle l’a surmontée, plus personne ne le conteste. Le Mondial a aussi été la preuve selon laquelle nos voisins du Sud se sont montrés dignes de notre confiance.
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